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Néocolonialisme agricole ou stratégie économique ?

Ignorance ou cupidité ?

Par Anouar Fahim

Alors que le Maroc traverse l'une des périodes les plus critiques de son histoire en matière de ressources hydriques — marquées par des sécheresses répétées et un effondrement du niveau des nappes phréatiques — le pays affiche fièrement des records d’exportation d’avocats, fruit parmi les plus gourmands en eau. La campagne agricole 2024-2025 a vu plus de 1 180 tonnes d’avocats exportés vers le Canada, soit plus de 1,18 milliard de litres d’eau virtuelle transférés hors des frontières.

Pour Fatima Tamni, députée de la Fédération de la gauche démocratique, cette situation relève d’un « paradoxe environnemental et économique préoccupant ». Dans une question adressée au ministre de l’Agriculture, elle dénonce une stratégie agricole déconnectée des réalités climatiques du pays, motivée davantage par le profit que par la durabilité.

Introduite dans les années 1988-1989 dans la région du Loukkos sur à peine 3 hectares, la culture de l’avocat a connu une expansion fulgurante au Maroc, au point de positionner le royaume dans le top 10 mondial des pays producteurs. Aujourd’hui, les rendements atteignent 10 tonnes à l’hectare, et la production nationale devrait frôler les 115 000 tonnes cette année, contre 65 000 la saison précédente.

Mais à quel prix ?

Derrière ces chiffres mirobolants se cache une réalité alarmante : une agriculture intensive en eau dans un pays où les barrages se vident, où les pluies se font rares, et où les tensions hydriques deviennent structurelles.
Est-ce de l’ignorance des décideurs face aux impératifs écologiques ? Ou de la cupidité, portée par une minorité d’agro-exportateurs bien implantés, qui accaparent les terres, les ressources, et les profits ?

Cette fuite en avant pose une question de fond : le modèle agricole marocain est-il au service du développement durable ou de l’appétit des marchés étrangers ? L’agriculture ne peut plus être pensée uniquement en termes de rendement ou de devises, mais en tenant compte de son impact sur la souveraineté alimentaire, l’équité sociale et la préservation des ressources naturelles.

Car au bout du compte, ce ne sont pas les consommateurs canadiens qui souffriront de la pénurie d’eau au Maroc, mais bien les générations futures du pays. Il est temps d’agir avant que l’or vert ne transforme nos sols en poussière.

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