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Crise Maroc-Tunisie: à quoi joue Kaïs Saïed ?

La Tunisie se retrouve-t-elle, malgré elle, au centre d’un conflit régional opposant le Maroc à l’Algérie autour du Sahara? En accueillant en grande pompe le 26 août, le chef du Polisario, Brahim Ghali, à l’occasion de la 8e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (Ticad-8), la Tunisie a marqué une rupture avec sa neutralité positive dans ce conflit. Une première historique pour le pays du Jasmin, dont les relations ont été traditionnellement au beau fixe avec le Maroc.

Le politologue et professeur des relations internationales à l'université Mohammed V de Rabat, Mohamed Tajeddine Houssaini, précise qu’il ne s’agit pas d’une crise enclenchée entre deux États, mais «créée par une seule personne, le président tunisien, Kaïs Saïed». Ce dernier «a suivi sa volonté personnelle, poussé par le régime algérien, à entamer une telle action hostile contre le Maroc. Il n’a pas consulté le gouvernement tunisien. Il n’est plus l’homme de la Tunisie, mais du régime algérien. Kaïs Saïed est en train d’installer une véritable dictature en Tunisie et les forces vives démocratiques du pays s’insurgent contre les comportements de cet homme qui mène le pays vers le bas», regrette M. Houssaini.

Depuis l’avènement de Kaïs Saïed, jamais les relations avec le voisin marocain n’ont été aussi tendues et ambiguës. Le ton avait été donné lorsque le président tunisien n’avait pas daigné répondre à une invitation du roi Mohammed VI pour une visite officielle au Maroc. Depuis, les initiatives hostiles à l’encontre du Maroc et favorables aux séparatistes du Polisario se sont enchaînées, notamment au sein des instances onusiennes. Mais la goutte qui a fait déborder le vase est la réception digne des grands chefs d’État qui a été réservée par le président tunisien au chef des milices du Polisario le 26 août dernier. Une mise en scène que le Maroc n’a pas acceptée en faisant rappeler son ambassadeur en Tunisie. Il convient toutefois de rappeler que l’accueil en grande pompe du chef du Polisario n’a pas été validé par les coorganisateurs de la Ticad, le Japon et des institutions onusiennes. Ils ont souligné que les pays africains non reconnus par l’Organisation des nations unies (ONU) ne sont pas les bienvenus lors de l’événement, le Polisario entre autres.

«Cette initiative de mauvaise foi n’est pas un acte isolé, mais s’inscrit dans un contexte global où l’Algérie essaie par tous les moyens d’encercler géographiquement le Maroc et de l’affaiblir. Elle a réussi avec la Tunisie, elle essaie de joindre la Libye à ses rangs ainsi que la Mauritanie, seule voie terrestre vers les pays de l’Afrique de l’Ouest», explique M.  Houssaini.

La Tunisie aurait pu éviter une telle crise qui n’augure rien de bon. La portée de cette crise est d’une ampleur historique quand on sait que le Maroc a toujours été du côté des Tunisiens. Après les bouleversements du printemps arabe, Mohammed VI a été le premier chef d’État à entamer une longue visite au pays du Jasmin, tout en marchant avec la foule dans les rues tunisiennes. Une action qui avait fait le buzz à l’époque et qui a joué en faveur du tourisme tunisien. Avant lui, son défunt père, le roi Hassan II, avait à maintes reprises rappelé son soutien indéfectible à la Tunisie et déclaré que le Maroc prendrait les armes sans sourciller pour défendre la Tunisie. Kaïs Saïed réussira-t-il à détruire en si peu de temps, à cause d’intérêts personnels, une Histoire commune entre deux pays basée sur la confiance mutuelle, la bienveillance et un destin commun? À suivre.

Mohamed Amine Hafidi

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