
Maglor - Saint-Ouen-sur-Seine, le 6 juin 2025 – À quelques mètres de la mosquée Al-Hashimi, l’ambiance est à la fois recueillie et tendue. Comme dans de nombreuses villes de France, des milliers de fidèles musulmans ont célébré ce vendredi l’Aïd-el-Kébir. Mais cette année, l’atmosphère est lourde, marquée par un sentiment diffus de désarroi. La mémoire encore vive d’un drame récent jette une ombre sur la fête.
Une célébration endeuillée par l’assassinat d’Hichem Miraoui
Dans les esprits plane le souvenir d’Hichem Miraoui, ce ressortissant tunisien de 42 ans, tué le 31 mai dernier à Puget-sur-Argens, dans le Var. L’auteur présumé, son voisin Christophe Belgembe, a été mis en examen pour assassinat en lien avec une entreprise terroriste, un fait rare dans ce type de contexte. Un drame qui a bouleversé la communauté musulmane de France.
« On ne peut pas faire comme si de rien n’était », confie Hicham, 36 ans, employé dans le bâtiment. Comme beaucoup ce matin-là, il portait le qamis, la tenue traditionnelle. S’il ne souhaite pas donner son nom complet, ce n’est pas par hasard : « Dans le climat ambiant, ce n’est pas une bonne idée de s’exposer. » Pour lui, comme pour d’autres fidèles, ce silence prudent en dit long sur une inquiétude grandissante.
Une prise de parole saluée du maire Karim Bouamrane
Lors de la troisième prière du matin, le maire socialiste de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, était présent. Il a tenu à s’adresser directement aux fidèles pour exprimer sa solidarité et condamner fermement l’acte de haine ayant coûté la vie à Hichem Miraoui.
« Il a dénoncé cette haine. C’est une façon de montrer un peu de considération, et ça fait du bien. On se sent moins seuls », témoigne Hicham.
Dans un climat national marqué par des tensions identitaires et une recrudescence d’actes islamophobes, ce geste d’un élu local est perçu comme essentiel, presque vital. Un signe que les institutions peuvent encore être des remparts contre la stigmatisation.
"Le climat est malsain, mais surtout à la télé"
Si l’inquiétude est palpable, c’est aussi à cause du traitement médiatique de l’actualité. Beaucoup dénoncent un climat anxiogène alimenté par les chaînes d’information en continu.
« Le climat est malsain, mais surtout à la télé », soupire un fidèle en sortant de la mosquée. Les amalgames entre islam, immigration et insécurité continuent d’empoisonner les débats, renforçant le sentiment d’exclusion d’une partie des citoyens musulmans.
Une vigilance citoyenne et républicaine plus que jamais nécessaire
En cette journée qui devait être placée sous le signe de la fraternité et du partage, le malaise est tangible. Mais il ne parvient pas à éteindre complètement l’élan de solidarité et de dignité dont font preuve les fidèles. À Saint-Ouen, comme ailleurs, on prie pour l’apaisement, pour une France qui respecte et protège tous ses enfants, sans distinction d’origine ou de croyance.
À l’heure où les fractures se creusent, la prise de parole d’un maire, la retenue d’un fidèle, et la prière collective deviennent autant d’actes de résistance contre l’indifférence et la peur.