
Ça commence et ça finit avec « Les Meutes » à Casablanca. Entre les deux, l’histoire de ce film primé au Festival de Cannes est vite racontée : Issam et son père Hassan se retrouvent, malgré eux, avec un cadavre à faire disparaître. Cette anecdote incongrue accouche d'un polar aussi noir que drôle et tragique. Avec son premier long métrage, qui sort ce mercredi 19 juillet sur les écrans, le réalisateur marocain Kamal Lazraq a réussi un chef d’œuvre, avec des images aussi fortes qu’une nuit de pleine lune.
Dans les faubourgs populaires de Casablanca, Hassan et Issam, père et fils, vivent au jour le jour, enchaînant les petits trafics pour la pègre locale. Un soir, ils sont chargés de kidnapper un homme. Commence alors une longue nuit à travers les bas-fonds de la ville...
Le père et le fils ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Tous les deux galèrent dans des petits boulots, tout en mentant à leur aînée, mère pour l’un et grand-mère pour l’autre, qui rêve pour eux deux d’un destin plus sage. Hassan accepte donc d’enlever un homme, suite à une vulgaire affaire de lutte entre chiens qui a mal fini. Il entraîne dans son projet son fils Issam, mais ce qui devait être juste un kidnapping entre voyous se termine avec un cadavre dans une voiture. Alors les deux hommes se mettent à arpenter les faubourgs et les campagnes sombres de Casablanca, à la recherche d’une solution pour faire disparaître le corps. Les Meutes ressemble à un road movie, sinon qu’il emprunte les recoins méconnus et malfamés de la capitale du Maroc. Plus qu’une balade dans la nuit, le film décrit la relation complexe entre le père et le fils. Les mots sont rares, mais on comprend à l’expression des visages, aux non-dits, que le père n’a pas eu une enfance très sereine, et que le fils aurait espéré un père meilleur que le sien.
On rit jaune dans cette aventure nocturne où les deux hommes accumulent les échecs et les déconvenues. On découvre aussi un univers sombre et masqué, loin des images d’Épinal du Maroc, avec ses bars où l’alcool coule à flot, les combats entre chiens agressifs, la mafia souterraine, et même la prostitution de garçons auprès de la classe bourgeoise. Une nuit suffit pour ébranler la représentation idyllique du pays touristique. Pour une fois, il n’est pas question de discrimination sexuelle, de religion. Les Meutes est un film noir, un polar qui va à la rencontre de tout un univers caché délinquant. D’ailleurs, il s’agit d’un film d’hommes. À l’exception de la grand-mère, aucune femme ne participe à cette virée cauchemardesque et drôle à la fois dans les caniveaux de Casablanca.
Le réalisateur ne lésine pas sur les traits d’humour. Cela allège le propos assez glaçant du film. Les deux compères, dans leur malheur, deviennent des personnages attachants et sensibles qui tentent à la fois de sauver leur relation père-fils et de régler ce problème plutôt embêtant de cadavre sur les bras. Ils se disputent, puis se font de nouveau confiance, et finalement réapprennent à s’aimer. Les Meutes est un long-métrage totalement caustique. On éprouve beaucoup d’empathie pour ces gaillards, malgré leurs maladresses et les épreuves qu’ils subissent.
En tous les cas, voilà un film qui fait droit à l’expression du cinéma marocain de plus en plus importante sur nos écrans français. On découvre avec la caméra de Kamal Lazraq une écriture originale, un souci de la mise en scène, et avec lui, une flopée de comédiens très talentueux. Le long-métrage d’ailleurs montre l’utilité certaine du métier de directeur de casting. En effet, le film est rempli d’un bout à l’autre de vraies gueules de cinéma, que le cinéaste filme avec aplomb et brio.
Source : A Voir, à lire