Partager sur :

Spoliation des MRE : « Il faut abroger l’article 2 de la loi 39-08 »

Victimes de spoliation depuis des années, les Marocains résidant à l'étranger (MRE) sont devenus une cible facile pour la mafia de l'immobilier. Cette situation préoccupante met en évidence l'article 2 de la loi 39-08, qui fragilise la position des victimes et favorise les arnaques.

Selon Mohamed Moutazakki, président de l'Association des victimes de spoliation immobilière (AVS), la spoliation est un véritable fléau qui menace la sécurité et la stabilité du pays. En tant qu'ancienne victime lui-même, ce MRE résidant en Italie a fait de la défense des droits des personnes spoliées sa cause. Sur le Forum MDM, Moutazzaki souligne les différents modes opératoires utilisés par les spoliateurs, qui varient en fonction du caractère immatriculé ou non du bien visé.

Les méthodes de spoliation diffèrent selon la situation légale du bien. Il est plus facile de s'approprier une propriété lorsqu'elle relève du régime foncier traditionnel. L'absence de publicité des droits prétendus, le manque de connaissance des ayants droit sur la propriété concernée, son emplacement, sa superficie, son bornage ainsi que la nature et l'étendue des droits qui y sont exercés et leur véritable détenteur délivrant la tâche des spoliateurs, explique Maître Nadir Ismaïli, notaire.

Pour les Marocains résidant à l'étranger, la situation est encore plus préoccupante, affirme le président de l'AVS. La mafia de l'immobilier profite de l'éloignement géographique des propriétaires pour dérober leurs biens. Même lorsque ces affaires aboutissent devant les tribunaux, les spoliateurs ne sont pas inquiétés car les plaignants ne peuvent pas toujours se rendre régulièrement au tribunal pour suivre leur dossier, en raison de leurs obligations professionnelles et de leurs activités dans les pays d'accueil, déplore Moutazzaki. Les spoliateurs opèrent généralement en bandes organisées et peuvent être des notaires, des avocats, des agents immobiliers ou d'autres intermédiaires. Leur principal atout réside dans leur parfaite maîtrise du droit foncier et des procédures administratives qui y sont liées.

D'après Nadir Ismaïli, leur méthode préférée est l'utilisation de faux testaments, de fausses procurations ou, dans les cas les plus extrêmes, l'usurpation d'identité. Cela est particulièrement vrai pour les personnes étrangères possédant des biens au Maroc et les MRE, précise-t-il. Lorsque la propriété est titrée, les spoliateurs recourent à de faux témoignages justifiant une durée de possession permettant la prescription acquisitive en leur faveur, dénonce Moutazzaki. Il convient de rappeler que le taux d'immatriculation à la conservation foncière ne dépasse pas 35 % des propriétés réattribuées. Les juifs marocains résidant à l'étranger représentent une cible privilégiée des spoliateurs en raison de leur longue absence. Leurs biens, désignés par des éclaireurs,

Selon un recensement ordonné par le gouvernement, près de 8 000 unités délaissées sont exposées à la spoliation, principalement dans les zones urbaines. D'après l'Association pour le droit et la justice au Maroc, qui suit de près ce type d'affaires, notamment celles des MRE, plus de 500 dossiers ont été désignés fin 2018. La spoliation foncière constitue un véritable trafic tentaculaire qui continue de faire de nouvelles victimes. Le Roi lui-même répond à cette problématique dans différents discours royaux en exigeant la nécessité d'une lutte organisée et ferme contre ce phénomène, impliquant les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires.

L'article 2 de la loi 39-08 est vivement critiqué par les défenseurs des victimes de spoliation, qui réclament son abrogation. Le groupe parlementaire du PJD a d'ailleurs déposé une proposition de loi à la Chambre des représentants en mars 2016 pour amender cet article. Selon Mohamed Moutazzaki, cet article est défavorable à la spoliation et facilite les manœuvres des mafias de l'immobilier. Il est impératif de l'abroger afin de protéger le droit de propriété, affirme-t-il. En effet, cet article du code des droits réels prévoit que si le titulaire d'un titre foncier perd son bien en raison d'une falsification ou d'un usage de faux, il n'a que quatre ans à compter de la date d 'immatriculation du nouveau prétendu propriétaire pour porter plainte et réclamer ses droits.

Nadir Ismaïli déplore que cet article constitue une grave atteinte au droit de propriété, qui est sacré. Il considère qu'il s'agit d'un héritage de la colonisation qui continue d'être appliqué, protégeant l'acquéreur du bien spolié au détriment du droit constitutionnel des véritables propriétaires. Objet de vifs débats parmi les notaires, avocats et autres acteurs de la société civile, l'article 2 suscite le renouvellement à chaque nouvelle affaire de spoliation. Moutazzaki appelle à son abrogation afin de barrer la route aux spoliateurs.

Français
Partager sur :