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Réponses depuis une Zone Sinistrée : Entretien avec les acteurs de l'AMMN

Dans un monde où la solidarité transcende les frontières, les actions humanitaires menées par des organisations de la société civile occupent une place cruciale. L'Association des mineurs marocains du Nord-Pas-de-Calais, à travers son dévouement et son engagement, incarne parfaitement cet esprit de solidarité internationale. À la suite du séisme tragique qui a frappé le Maroc récemment, l'association a mobilisé ses ressources et ses bénévoles pour apporter une aide concrète aux zones sinistres.

Nous avons eu l'honneur de nous entretenir avec le président Ssi Abdellah Samat et son Coordinateur volontaire programmes d'urgence au Maroc Ssi Haji Youssef. cette association, qui nous éclaire sur la mission actuelle de ses volontaires au Maroc, les défis rencontrés et les perspectives d'avenir. Cette conversation met en lumière l'importance de la solidarité active et du partenariat local dans la réponse aux catastrophes naturelles, tout en soulignant le rôle crucial des mineurs marocains du Nord-Pas-de-Calais et de leurs amis dans cette noble entreprise.

Maglor : Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste la mission de terrain que votre équipe de bénévoles entreprend actuellement au Maroc ?

Youssef Hajji et Abdellah Samat  : Face à l'urgence, il est essentiel de faire preuve de patience et de résilience. Cette catastrophe nous offre l'occasion de rebâtir en mieux. Nous avons identifié les villages touchés, évalué l'étendue des pertes, et mobilisé nos ressources locales . Notre déplacement est impératif pour apporter réconfort aux sinistrés et collaborer à l'élaboration d'un plan de soutien collectif.

 

Maglor : Comment avez-vous mobilisé vos bénévoles pour cette mission en particulier ?

Youssef Hajji et Abdellah Samat : Nous sommes tous des migrants, des Chibanis, et des militants associatifs engagés dans nos communautés, que ce soit ici, dans nos pays d'adoption, ou là-bas, dans nos régions d'origine. Notre parcours migratoire nous apprend l'importance de la solidarité, de l'entraide et du soutien mutuel. Nous avons vécu l'expérience de quitter nos terres natales pour construire nos vies ailleurs, mais cela ne nous a pas éloignés de nos racines.

En tant que Chibanis, nous avons traversé des épreuves et des défis, et nous avons toujours maintenu un lien fort avec nos régions d'origine. Nous avons compris que la réussite de notre intégration dans nos pays d'accueil ne devait pas se faire au détriment de nos communautés d'origine. Au contraire, nous avons cherché des moyens de contribuer au développement de nos régions d'origine, de soutenir nos familles conservées là-bas et d'aider nos concitoyens.

Aujourd'hui, face à la catastrophe qui a touché nos villages, nos jeunes compatriotes attendent notre réactivité et notre soutien. Ils savent que nous avons l'expérience, les compétences et la détermination nécessaires pour les aider à traverser cette épreuve difficile. Nous considérons cette situation comme une opportunité de mettre en pratique tout ce que nous avons appris au fil des années, de montrer notre solidarité et de renforcer les liens qui nous unissent à nos régions d'origine.

 

Maglor : Pourquoi avez-vous choisi la région de Taroudent pour votre action de parrainage de village ?

Youssef Hajji et Abdellah Samat : La vallée du Souss est une vallée heureuse, où le bonheur règne en maître, et ses montagnes ne se trouvent qu'à une trentaine de kilomètres du centre de la zone touchée par le séisme. Il est tout à fait compréhensible que les services de l'État et les grandes organisations non gouvernementales concentrent leurs efforts sur la région d'Al Haouz, étant donné son importante densité urbaine et sa population.

Nous et les associations locales, nous reconnaissons nos capacités limitées, mais nous avons une connaissance approfondie du terrain, ainsi que des liens solides avec les militants associatifs, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Maroc. Face à l'urgence de la situation, nous avons rapidement décidé de nous rendre dans les montagnes, à environ 35 kilomètres du sommet du Toubkal, du côté sud, une zone difficile d'accès.

Ce qui nous a particulièrement impressionnés, ce sont les habitants du douar de Touteghrane, qui ont su nous captiver par leur mobilisation exemplaire et leur organisation communautaire remarquable. La diaspora de Touteghrane s'est rapidement mobilisée pour venir en aide à sa communauté, démontrant ainsi la force de la solidarité et de l'unité dans les moments difficiles.



Maglor : Pourriez-vous nous donner un aperçu des besoins que vous avez identifiés jusqu'à présent dans les zones sinistrées ?

Youssef Hajji et Abdellah Samat : Les habitants et les organisations locales n'ont pas attendu l'arrivée des secours officiels. Dès les premiers signes de la catastrophe, les voisins se sont mobilisés pour apporter une aide immédiate et ont alerté les autorités locales ainsi que les associations humanitaires.

Un exemple inspirant de cette mobilisation est celui de Khalid Alayoud, un ami de longue date de L'Association des mineurs marocains du Nord-Pas-de-Calais (AMMN), qui a rapidement transformé sa maison familiale à Oulad Mimoun, au cœur de la plaine, en un centre de tri et d'information pour les convois d'aide.

C'est au sein de son Centre Tawssna des Études et Recherches à Oulad Mimoun, dans la région du Souss, que nous avons formé un collectif d'associations ouvert à toutes les bonnes volontés. Ce collectif se consacre à la collecte, à la diffusion d'informations, à la mutualisation des ressources, et à la planification des interventions dans les villages touchés.

Dans ces circonstances critiques, nous n'avons pas le luxe de l'amateurisme ni de la dispersion des efforts. Chaque action compte, et c'est grâce à la coordination et à la mobilisation de tous que nous pourrons apporter une aide efficace et significative aux communautés touchées.

 

Maglor : Pourquoi avez-vous décidé de privilégier les circuits locaux pour l'achat de fournitures et de denrées alimentaires ?

Youssef Hajji et Abdellah Samat  : Dans la région de Souss-Massa, les habitants sont familiers avec les circuits traditionnels et modernes du commerce, à la fois à l'échelle nationale et internationale. Ces circuits n'ont jamais arrêté de fonctionner, et dès les premières heures qui ont suivi la catastrophe, de généreux donateurs se sont précipités sur les routes pour apporter des vêtements, des couvertures, de la nourriture, et bien plus encore.

Tout le pays, y compris sa diaspora, s'est mobilisé dans un élan de solidarité qui s'étend de Tanger jusqu'au fond du Grand Sud du Maroc. Ce réseau de soutien, fonctionnant en circuit court, permet d'économiser sur les frais de transport et les modalités de transit, garantissant que l'aide parvienne rapidement à ceux qui en ont besoin.

Le défi que nous relevons désormais, en collaboration avec les habitants de Touteghrane, concerne la mise en place d'abris temporaires pour affronter l'hiver en attendant la mise en œuvre des programmes de reconstruction et d'infrastructures par les autorités locales et régionales. La solidarité et la coordination restent essentielles pour répondre aux besoins immédiats de ces communautés touchées par la catastrophe. 

Maglor : Comment les personnes intéressées peuvent-elles contribuer à votre initiative et soutenir votre action ?

Youssef Hajji et Abdellah Samat : La mise en place d'un abri équipé est réalisée à 150 euros. Il s'agit d'une solution élaborée localement, utilisant des matériaux tels que des roseaux, des cartons, du bois et des bâches. les contributions sous forme de dons est précieuse pour nous aider à atteindre notre objectif.

Avec le soutien des bénévoles, nous sommes en train de relever la course contre la montre pour installer 50 abris et des installations sanitaires dans un premier village comptant 200 habitants. Nous avons également reçu l'engagement d'industriels d'Agadir et de Casablanca, qui fourniront des panneaux solaires pour l'éclairage et des palettes en bois pour le sol de ces abris. Chaque geste de générosité compte pour aider ces communautés sinistrées à retrouver un semblant de normalité dans ces moments difficiles.

Maglor : Quelles sont les principales leçons que vous avez tirées de votre expérience d'aide d'urgence lors du séisme d'Alhocima en 2004 ?

Youssef Hajji et Abdellah Samat : L'expérience d'aide d'urgence lors du séisme d'Al Hoceïma en 2004 nous a enseigné plusieurs leçons cruciales. Tout d'abord, la coordination entre les différentes parties intervient, qu'il s'agisse des autorités locales, des organisations humanitaires, ou des bénévoles, est absolument primordiale. Sans une coordination efficace, les efforts peuvent être désorganisés et moins efficaces.

De plus, la mutualisation des moyens est une stratégie essentielle. Lorsque plusieurs acteurs travaillent ensemble et partagent leurs ressources, cela permet d'optimiser l'utilisation des fonds, des fournitures et des compétences disponibles. Cela garantit également une distribution plus équitable de l'aide aux personnes dans le besoin.

Enfin, le partage et la diffusion de l'information sont essentiels pour informer le public, mobiliser des ressources et coordonner les actions. Une communication transparente et rapide contribue à sensibiliser la population sur la situation d'urgence et à mobiliser un soutien supplémentaire. 

 

Maglor : En quoi consiste précisément la résilience des victimes, et comment votre association contribue-t-elle à cet objectif ?

Youssef Hajji et Abdellah Samat : En tant que migrants et mineurs, nous portons sur nos épaules les marques du travail acharné et les cicatrices de l'âge avancé.
Dans ces moments difficiles, lorsque la douleur et la perte sont palpables, c'est la force de la communauté qui nous rappelle que l'espoir persiste. Nous puisons notre motivation dans leur résilience, car elle nous incite à persévérer, à afficher un sourire malgré les épreuves et à agir avec détermination pour apporter notre soutien à ceux qui en ont besoin.

La leçon que nous tirons de cette expérience, si ont peut rajouter, c'est que, peu importe notre condition ou notre origine, la capacité de l'être humain à se relever et à se reconstruire est incommensurable. C'est cette force collective qui nous rappelle que, même dans les moments les plus sombres, il y a toujours une lueur d'espoir qui peut nous guider vers un avenir meilleur.

Merci infiniment, Monsieur Youssef Haji, coordinateur de l'Association des mineurs marocains du Nord-Pas-de-Calais, et merci au président Si Abdellah Samat, pour cette conversation inspirante qui souligne l'importance de la compassion, de la solidarité, et de l'action concrète dans la construction d'un monde meilleur. L'effort de votre association continue d'éclairer le chemin vers un avenir empreint de solidarité et de bienveillance, où chaque geste compte dans la reconstruction et l'instauration de l'espoir. Votre histoire nous rappelle que lorsque les cœurs s'unissent pour une cause commune, rien n'est impossible.

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