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La fin décalée du secret bancaire sur les comptes des MRE. Ce sera en 2025

Le Maroc a obtenu un sursis de trois ans pour mettre en œuvre l’accord sur l’échange automatique des données bancaires à des fins fiscales, un instrument de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationale. Initialement, Rabat s’était engagé pour septembre 2022, mais l’activation de ce mécanisme ne sera effective qu’en septembre 2025. C'est une information exclusive révélée par LesEco.ma

(LesEco.ma) - Concrètement, cela implique la levée du secret bancaire sur les comptes que détiennent les «Marocains du Monde», et qui ne sont pas toujours déclarés dans leur pays de résidence. C’est ce «casse-tête» qui a conduit le gouvernement à solliciter un sursis, le dernier avant le big-bang de 2025.

Toutes les personnes qui détiennent encore des avoirs financiers et des comptes bancaires à l’étranger, et qui espèrent encore échapper au radar du fisc, peuvent commencer à réfléchir sur le risque auquel elles s’exposent. À partir de septembre 2025, l’administration fiscale pourra recevoir, sans le demander, un rapport sur les avoirs des personnes (physiques et morales) ayant statut de résident fiscal au Maroc «planqués» à l’étranger dans un État contractant à l’accord G20/OCDE sur l’échange des données bancaires à des fins fiscales.

Au total, plus de 130 pays et juridictions ont ratifié cet accord. Ceux qui sont en marge de cette convention seront considérés comme des parias, confie un responsable à la DGI. Dans l’autre sens, et comme le Maroc s’y est engagé, les données (soldes) des comptes bancaires et les détails sur les actifs financiers détenus par les non-résidents, dont des MRE, seront spontanément accessibles aux autorités fiscales des États signataires de cet accord. C’est-à-dire, à la totalité des membres de l’Union européenne qui abritent les plus importants foyers de la diaspora marocaine.

Très discrètement, l’article 8 de la loi de Finances 2018 avait inséré une disposition (article 214-5 du CGI) prévoyant que banques et compagnies d’assurance sont tenues de mettre en place les diligences pour l’identification des personnes concernées et la communication des informations relatives à leurs comptes et aux flux financiers les concernant dans le cadre de l’échange automatique d’informations. Sont en première en ligne, dans cette offensive contre l’évasion fiscale internationale, les banques, les sociétés de gestion de l’épargne, les OPCVM, les compagnies d’assurance, les sociétés et leurs bénéficiaires effectifs (ndlr: la loi impose, désormais, à toutes les entreprises de déclarer leurs bénéficiaires effectifs dans un registre centralisé au ministère des Finances).

Les données ciblées
Il s’agit de l’identité des titulaires non-résidents et bénéficiaires de comptes bancaires (nom, prénom, numéro de passeport et coordonnées du détenteur, numéro de compte, soldes du compte, intérêts perçus, produits de cession de valeurs mobilières…). Les données transmises incluent les références des comptes, les revenus, plus-values, soldes… S’abriter derrière une société-écran devient très compliqué. Ce qui est révolutionnaire, c’est que l’information parviendra spontanément au fisc marocain de la part de ses homologues des États ayant adhéré à l’accord sur l’échange des renseignements bancaires.

À noter que le Maroc a choisi le standard le plus élevé de l’accord, à savoir la norme Common reporting standard (CRS). Les différentes opérations de contribution libératoire aux infractions à la réglementation de changes, qui se sont enchaînées depuis 2014, visaient à préparer les esprits. Les territoires potentiels et zones de «non droit» seront de moins en moins nombreux sur la planète car la pression politique est énorme au niveau international. Même le Panama, «terre d’asile» de gros épargnants cherchant à échapper aux impôts, a adhéré à la convention d’échange automatique de données bancaires. Les Émirats arabes unis, notamment Dubai, qui aimante des milliards de dollars non déclarés, est également sous pression. En fait, faire partie du cercle des États appliquant cet accord équivaut à un certificat de respectabilité.

À Casablanca, les banques sont plus ou moins rompues avec la loi américaine Fatca qui les oblige à déclarer les avoirs de toute personne ayant qualité de contribuable américain à la redoutable IRS, l’administration fiscale des États-Unis. Elles sont imperturbables malgré un accord qui va sonner le glas du secret bancaire, notamment sur les avoirs des MRE, une clientèle hautement stratégique et qui pèse plus de 40% des dépôts. Le sujet est ultra-sensible politiquement, car appliquer l’accord G20/OCDE reviendrait à lever le voile sur les dépôts bancaires et les actifs financiers détenus par les MRE dans le Royaume. Certains ont fermé, par précaution, leurs comptes dans les agences bancaires à Tanger, Tétouan et Al-Hoceïma pour «se mettre à l’abri». La plupart des avoirs bancaires et financiers des MRE au Maroc n’étant pas déclarés dans leurs pays de résidence, tous ces gens s’exposent à de gros risques, y compris pénal. En France, par exemple, détenir un compte à l’étranger, non déclaré au fisc, est une infraction pénale pouvant entraîner six ans de prison et une amende de six millions d’euros.

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