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Le ministère des MRE souffre-t-il d’autisme à l’égard des MRE ?

Communiquer vient du mot latin communicare et signifie "mettre en commun". Vivre c'est communiquer car nous sommes tous des êtres sociaux. Pas de vie personnelle, professionnelle ou sociale sans paroles ni échanges. La communication permet donc de partager, séduire, informer, rassurer et convaincre.

Indispensable à la vie collective, la communication reste cependant un art difficile, aujourd’hui perturbé par les communicants professionnels et les coups de com’. Les Marocains résidant à l’étranger peuvent le vivre chaque jour, eux qui sont souvent déçus par la communication de leur ministère alors qu’ils en attendent beaucoup.

Les youyous et le son des trompettes (c’est une image) de certaines des récentes communications du ministère des MRE ne suffisent pas et rappellent qu’il ne faut pas confondre la forme et le fond. Certes McLuhan, le gourou théoricien de la communication moderne, affirme que la forme peut avoir, à long terme, plus d'importance que le contenu qu'il transmet car il est une extension de nos sens et, de ce fait, détermine la façon dont nous abordons le monde et la société.

McLuhan a certainement raison pour la compréhension émotive de l’instantané. Mais la vie des MRE n’est pas rythmée au son des youyous et des trompettes. Ils veulent du concret qui les aide à vivre leur situation de MRE et à les rassurer dans un monde en pleine mutation.

Le dernier « communiqué » que nous avons reçu du ministère des MRE, tout comme une poignée de nos confrères du Maroc, daté du 16 décembre 2016, informe que le Ministère Chargé des Marocains Résidant à l’Étranger et des Affaires de la Migration a célébré la Journée Internationale des Migrants par l’organisation de la 2ème édition de la Semaine des Migrants au Maroc du 14 au 20 décembre 2016.

Aujourd’hui, les mêmes organes de presse ont reçu du même ministère un communiqué à diffuser portant sur l’organisation d’un atelier sur l’insertion socioprofessionnelle des migrants au Maroc.

Ces deux communiqués, les deux plus récents, n’intéressent pas les MRE. Ils ont certainement leur utilité, mais en quoi concernent-ils directement les MRE ? La communication institutionnelle est bien sûr importante. Le ministère doit montrer qu’il travaille et organise des manifestations. Il s’adresse alors au Cabinet royal (« voyez ce que je fais »), à ses collègues ministres (« moi aussi j’existe ») et à une clientèle institutionnelle qui vit des mannes ministérielles (« venez me soutenir et vous serez aidés »).

Ces deux communiqués n’intéressent guère les Marocains résidant à l’étranger qui ne sont pas concernés par l’objet de ces rencontres. Alors il est vrai que le ministre n’a pas la tâche facile car il est bicéphale, ministre des MRE et ministre des affaires de la migration. Et si les MRE sont des migrants, ils n’ont pas le monopole de cette qualification. Le Maroc d’aujourd’hui, terre historique d’émigration vers l’Europe, est aussi devenu un pays d’immigration, notamment pour les pays subsahariens.  

Cette dualité ministérielle devient frustrante pour les MRE qui ont l’impression que « leur » ministre s’intéresse plus aux autres, les immigrés au Maroc, nouveaux chouchous d’un pays parti à la conquête économique de l’Afrique.

Aucun événement, aucune rencontre ne sont prévus avec des MRE sur l’agenda du ministre que l’on peut consulter sur le site du ministère. Les médias étrangers, sauf l’Agence Africaine de Presse (et pour cause !), confirment cette déficience de la communication non seulement de la part du ministère des MRE, mais aussi de l’ensemble des « institutions à l’étranger » qui sont censées d’être proches des MRE pour les servir et les rassurer pendant ces moments de crises.

Internet et les réseaux sociaux ont transformé le monde en petit village où tout se sait, se colporte, se transforme, s’amplifie. L’information souhaitée par les MRE est donc accessible, pourra-t-on rétorquer. Oui mais les MRE veulent une information vérifiée, officielle et, par-là, attendent un signe de reconnaissance de leur mère patrie.

Notre ministre actuel des MRE manquerait-il de vivacité, d’idées ou d’informations ? Qu’il se rassure, ce n’était guère mieux avec son prédécesseur. Pourtant, on sait que la matière grise existe en abondance au Maroc et déborde même de dossiers qui pourraient intéresser les MRE : un problème de spoliation foncière résolu, un rapatriement réussi, une étude réalisée, une rencontre débouchant sur des décisions, etc. Mais où peut-on trouver tout cela dans les arcanes informatifs et communicationnels du ministère ?

Il faut quand même que le ministère des MRE soit convaincu que les Marocains résidant à l’étranger supportent de plus en plus mal et ne tolèrent plus le déficit d’informations. Ils attendent que leur ministre dynamise son service de communication et d’information. Qu’il rénove ce service et fasse appel à de nouvelles énergies qui ne manquent pas.

Des associations marocaines font un effort reconnu pour la prise en charge de l’autisme, cette maladie qui altère les relations sociales et la communication d’un pour cent des enfants marocains. Dommage qu’il n’existe pas de militants pour accompagner l’autisme de notre ministère des MRE !

La participation des MRE dans la vie politique marocaine est renvoyée aux calendre grecques, mais pas leur droit à l’information. Les gens de bonne volonté existent, les médias également. Ils sont disponibles pour partager vos informations. Ils sont prêts à rendre compte des événements concernant les MRE ? Encore faut-il qu’un service de communication compétent prépare ces informations en amont et les diffuse sans parti pris.

Développons ensemble une culture partagée de communication et d’échange.

Mohamed Labzioui

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