
Les circonstances ont voulu que Mouha s'installe en France après avoir été amené de force du Maroc pour reconstruire ce que la seconde guerre mondiale avait détruit. Après des années de vie solitaire, loin de ses enfants, et après que la France lui ait permis de réunir sa famille, Mouha a accueilli sa femme et ses six enfants. Le plus âgé d'entre eux n'avait pas plus de 15 ans.
La famille s'est installée dans un quartier populaire de la banlieue de Paris, et les deux filles et les quatre garçons ont été inscrits à l'école du quartier. Ce n'est pas leur père qui les a inscrits à l'école, mais c'est l'ami et voisin de leur papa qui s'en est chargé. Ali parle mieux français que Mouha.
Mouha ne passait pas beaucoup de temps avec ses enfants car son travail épuisant dans les mines le fatiguait énormément. Il rentrait souvent très tard la nuit et se levait tôt. Son travail était loin de son domicile, ce qui l'obligeait à se lever tôt et à rentrer tard du travail.
Sa femme était femme au foyer, passant son temps à élever ses six enfants qui l'appréciaient et l'aimaient beaucoup. Comment ne pourraient-ils pas l'aimer quand elle couvrait leurs erreurs et les protégerait de la colère de leur père ?
Les quatre garçons ont commencé à parler français et ont appris, grâce à leurs amis et camarades de classe, comment échapper à l'autorité de leurs pères et à dissimuler des secrets. Ils avaient tous peur de la colère de leur papa. Comment ne pas avoir peur de lui lorsqu'il attachait le plus grand d'entre eux à son lit pendant une journée entière après avoir découvert qu'il vendait des cigarettes dans le quartier ?
Tout le monde le craignait, même les jeunes du quartier, jusqu'au jour où le fils a appris de son professeur qu'il n'avait pas le droit de frapper son enfant, et s'il le faisait, l'enfant pouvait appeler les services de protection des mineurs. Cette nouvelle a poussé le fil ainé et ses frères à se rebeller contre leurs pères. Les enfants ont appris le français et sont devenus les maîtres de la maison. Ils traduisaient pour leurs pères, s'occupaient de toutes les formalités administratives, y comprenaient les notes d'absence de l'école.
Les enfants ont trouvé une liberté sans précédent dans un monde idéal, un monde qui a poussé même sa femme "Etto" à se révolter en réclamant son indépendance. Elle est sortie travailler elle aussi et a cherché ce monde dont on lui avait parlé : le monde de la liberté et de l'indépendance financière, le monde des biens matériels, le monde de l'argent. Un monde où l'homme et la femme sortent le matin avant que les enfants ne se rendent à l'école. Et les enfants de Mouha voient cela comme une opportunité de rester au lit et de ne pas aller à l'école. Les enfants deviennent la proie de tous les prédateurs, des vendeurs d'illusions à travers les séries et les publicités, des manipulateurs d'esprits, des personnes solitaires qui aspirent à ce que le monde soit comme eux, la proie d'une société capitaliste sans scrupule.
Comment Mouha pourrait-il apprendre que ses enfants ne vont pas à l'école et que certains d'entre eux ont commencé à se livrer au trafic de drogue ? Le jour où Mouha a appris la nouvelle, il était trop tard, il ne pouvait rien faire pour eux. Chaque fois qu'il les punissait, la police intervenait et des associations se présentaient pour protéger les enfants. Mouha était frustré car il n'avait plus aucune autorité sur ses enfants. Il avait été dépouillé de son pouvoir et de sa virilité. Mouha, celui qui avait une longue moustache, Mouha le lion, devenait un chat et son obstination et son entêtement risque de le conduire en prison, et c'est ce qui est arrivé.
Mouha s'est retrouvé en prison parce que son fils aîné, Rachid, a porté plainte contre lui. Celui qui a été élevé comme un lion dans les montagnes de l'Atlas, avec le courage des hommes de l'Atlas, la fierté des hommes de l'Atlas, avec les principes et les valeurs de la population de l'Atlas, Mouha se retrouve prisonnier entre les barreaux du pays de la liberté absolue.
Mouha est rentré chez lui la tête basse parmi ses amis après avoir passé quelques jours au poste de police. Mouha est sorti après avoir signé un engagement qui l'oblige à respecter la loi française. Une loi qu'il ne connaît pas, une loi dont personne ne lui a parlé, une loi qu'il n'a jamais apprise.
Mouha ne connait pas tout cela, Mouha était un simple et homme, qui a été choisie parmi les hommes de l'Atlas, parmi les braves de l'Atlas, et il a été conduit en France, portant un tampon dans la poitrine comme un visa.
Un matin tôt, Mouha ne s'est pas réveillé au son strident de son réveil, mais il a été réveillé par les coups de la police à sa porte. Une équipe d'une vingtaine de policiers essayait de forcer l'entrée de son appartement.
Ils lui ont demandé d'ouvrir la porte, car ils devaient arrêter son fils Rachid qui était impliqué dans le trafic de drogue.
Mouha a pris son fusil et l'a pointé vers les policiers en criant : "Hier, je voulais l'éduquer et lui enseigner des leçons, mais vous me l'avez empêché, et aujourd'hui vous voulez l'arrêter ? Aujourd'hui hui, c'est moi qui le protège de vos politiques..." Son cri a réveillé tout le monde de leur sommeil, même les voisins.
Le cri a poussé Rachid à essayer de s'échapper par la fenêtre pour entrer dans l'appartement voisine, mais le destin a voulu qu'il tombe du cinquième étage, atterrissant lourdement et devenant un corps sans vie taché de sang.
Le sang est devenu une tache honteuse pour un père qui a perdu la raison après des mois passés en prison. Cela a affecté les petits et les grands. Tout le monde connaît Rachid, un jeune ambitieux qui respecte les aînés et plaisante avec les plus jeunes, un jeune homme qui souffre en silence et n'a pas trouvé le soutien et l'accompagnement pour se guider à travers le labyrinthe d'une société qui manque des valeurs et du cadre éducatif dont les piliers sont le père et la mère.
Rachid est mort, et de nombreux autres comme lui sont morts, mais la politique du pays continue à récolter des vies et à priver les hommes de leur dignité, à les dépouiller de leur autorité paternelle, à bombarder les maisons et à détruire des familles, forçant la femme, le pilier de la famille et de la société, à avoir honte d'être une femme.