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Algérie : Le pouvoir s'en prend violemment aux marches du Hirak

Des centaines de manifestants ont été interpellés et certains mis en garde à vue dans plusieurs villes algériennes, neutralisant les marches organisées par le mouvement pro-démocratie.

(AFP) - Les autorités algériennes ont réprimé vendredi les marches hebdomadaires du mouvement pro-démocratie du Hirak à Alger et dans plusieurs villes du pays, procédant à des centaines d’interpellations pour la seconde semaine consécutive, selon des défenseurs des droits humains.

«Marche empêchée et réprimée à Alger et à Annaba, affrontements à Bouira, des arrestations dans plusieurs wilayas», préfectures algériennes, a déclaré à l’AFP Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH).

Des rassemblements ont quand même eu lieu à Béjaïa et à Tizi Ouzou, grandes villes de Kabylie (nord-est), malgré des interpellations, a précisé Saïd Salhi. «Selon un premier décompte en début de soirée, près de 500 personnes ont été interpellées dans une quinzaine de wilayas», en majorité à Alger, a-t-il poursuivi.

La plupart des manifestants interpellés ont été relâchés en fin de journée, et les autres placés en garde à vue. Certains seront convoqués dimanche devant la justice, où ils risquent des peines de prison ferme. Dans la capitale, la marche des hirakistes a de nouveau été neutralisée dès son début par un impressionnant déploiement policier, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Depuis le matin, des policiers en uniforme ou en civil avaient envahi les endroits névralgiques de la ville, bloquant les grandes artères et encerclant les mosquées d’où partent habituellement les cortèges de manifestants. Des policiers en civil ont procédé à des contrôles d’identité des passants.

«Rues et ruelles coupées avec des véhicules de police, policiers en tenue ou en civil avec des brassards aux alentours de Bab El Oued», quartier populaire et bastion du Hirak, a témoigné Lyes, qui n’a pas voulu donner son nom de famille.

«Pour ce 118e vendredi, “Alger la Blanche” (surnom de la capitale, NDLR) est devenue bleu police», a ironisé ce quadragénaire, faisant référence au nombre de semaines écoulées --118-- depuis la naissance du Hirak le 22 février 2019.

À la sortie de la mosquée Errahma, dans le centre-ville de la capitale, des fidèles ont été incités à rejoindre en ordre leurs domiciles sans marcher au milieu de la rue. À la fin de la prière du vendredi, une centaine de personnes ont brièvement manifesté devant la plage Rmila de Bab El Oued, profitant pendant quelques instants de l’absence des policiers, qui n’ont cependant pas tardé à les pourchasser, selon un journaliste de l’AFP.

Manifestations interdites

Reporters et photographes indépendants sont privés d’accréditation et ne peuvent pas couvrir normalement les marches du Hirak. Deux journalistes ont été brièvement appréhendés, selon M. Salhi. En outre, des coupures d’internet ont entravé la couverture des médias dans certaines villes.

Le bouclage d’Alger survient au lendemain de l’ouverture de la campagne pour les élections législatives du 12 juin. Malgré deux échecs cinglants – la présidentielle de 2019 et le référendum constitutionnel de 2020, marqués par une abstention record –, le régime, dont l’armée est le pilier, est déterminé à imposer sa «feuille de route» électorale en dépit de son rejet par le Hirak et par l’opposition laïque et de gauche.

Pour ce faire, le ministère de l’Intérieur a décidé d’obliger les organisateurs des marches du Hirak – mouvement pacifique et sans véritable leadership – à «déclarer» au préalable les manifestations auprès des autorités, ce qui revient de facto à les interdire. Au moins 133 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le site Algerian Detainees.

Né en février 2019 du rejet massif d’un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, qui a démissionné en avril de la même année, le Hirak réclame un changement radical du «système» politique en place depuis l’indépendance (1962).

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Vendredi 118 : récit d’un Hirak avorté, et d’une répression assumée

22/05/2021 Anis Hamza chellouche - Casbah Tribune

Il était Midi quand nous nous sommes rencontrés à Alger, 5 journalistes de différents bords, Casbah Tribune, Radio M, le soir d’Algérie, Algérie 360, dans un des bureaux desdits médias.  L’objectif ; couvrir le Hirak, mais une question était dans toutes nos têtes, avant qu’elle ne se retrouve, poussée par le souvenir du vendredi dernier, sur toutes nos lèvres : Est-ce qu’il y aura un Hirak ?

A peine avons-nous mis les pieds dehors, et nous avions déjà un début de réponse à notre question, tout comme le vendredi passé du Hirak 117, les rues algéroises étaient peintes couleur bleu, le bleu des éléments de la police, de la DGSN, des casques ‘’bleus’’, il y avait aussi du noir, celui des brigades d’intervention spéciales, et de leur 4*4 fantomatique, des civils aussi, beaucoup de civils, pour certains fusils à pompe à la main, du style Armtac, lanceur de bombes lacrymogène.

De Didouche à la place l’Emir, nous avons du rencontrer une demi douzaine de check-point, mais à chaque fois nous avons été relâchés, et les policiers étaient très respectueux jusque la.

Après un tour presque complet du centre d’Alger, il était très facile de constater la volonté féroce de prévenir l’arrivée des manifestants, d’ailleurs, fait marquant de ce vendredi 118, encore plus que le vendredi 117, tous les accès vers la capitale étaient bloqués, un affinage drastique a été opéré, le trafic ferroviaire a même été arrêté pour cette journée, officiellement : pour cause de travaux.

Impossible d’accéder au centre à partir de la place premier mai, ni de Bab el Oued, sur les grands axes routiers, menant vers le point névralgique, la vérification était « à l’unité » et si tu n’habites pas le centre, tu passes ton chemin.

14h, Aucune activité sur l’horizon, si ce n’est celle de la force publique, mais dans l’air flottait comme un semblant de Hirak éparpillé, blessé, empêché.

14h23, se retrouve en face de la fac centrale : l’avocat Mustapha Bouchachi, l’économiste connu Smail Lalmas, et le chef du parti du RCD (rassemblement pour la culture et la démocratie) Mohcine Belabbas, ainsi qu’une dizaine d’avocats, aussitôt ce petit groupe se forma, plusieurs élément de la DGSN sont arrivés, et ont commencé à disperser le groupe, les avocats ne veulent pas, ils persistent, ils dénoncent, et ils invoquent le droit constitutionnel à pouvoir manifester.

Notre journaliste a même été ‘’arraché’’ de l’interview qu’il était en train de faire avec l’homme de droit Mustapha Bouchachi, il sera relaché plus-tard.  la question de l’interview : est ce que le gouvernement a le droit d’empêcher les citoyens de manifester ?

En supériorité numérique écrasante, les forces de l’ordre ont rapidement libéré les lieux.

Témoin de la scène des avocats voulant faire parler leurs droits en face d’une police décidée à faire parler la force de ses droits sur le peuple.. un jeune homme s’aventura à scander haut et fort : « dawla madania mashi askaria » ( état civil et non militaire) il se retrouva par terre en quelque secondes, avec une brutalité inouïe de la part d’un agent des brigades d’intervention, lequel, accompagna le malheureux vers sa nouvelle destination : « la galoufa » pour qu’il retrouve plusieurs personnes qui ont été elles aussi arrêtées à ce moment la, l’objectif de la police était très claire, empêcher même un soupçon, même une prémisse, même un espoir d’un Hirak 118.

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