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Algérie : Présentation du projet de loi relatif à l'Académie de la langue amazighe

Le ministre algérien de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, a présenté, mercredi devant les membres du Conseil de la nation, le projet de loi organique relatif à l'Académie algérienne de la langue amazighe.

Dans sa présentation, le ministre a précisé que ce projet de loi adopté par les membres de l'Assemblée populaire nationale (APN), avait été élaboré en vertu de l'article 4 de la Constitution pour fixer les modalités d'organisation et de fonctionnement de l'Académie algérienne de la langue amazighe qui constitue, a-t-il rappelé, "l'autorité de référence pour les questions liées à la langue amazighe".

Cette instance, dont le siège sera à Alger, est une institution nationale à caractère scientifique, dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière et est placée auprès du Président de la République, explique l'APS, soulignant que "la composante de cette institution, "au profil exclusivement scientifique", garantit son statut d'autorité de référence en la matière conférant ainsi à ses travaux un caractère académique, neutre et impartial basé sur l'apport d'experts et de compétence scientifiques avérées".

Toujours selon l'APS l'Académie aura pour mission de recueillir le corpus national de la langue amazighe dans toutes ses variétés linguistiques, d'établir une normalisation de la langue amazighe à tous les niveaux de description et d'analyse linguistiques, d'établir des listes néologiques et des lexiques spécialisés en privilégiant la convergence.

Elle a aussi pour mission d'entreprendre des travaux de recherche, de participer au programme national de recherche dans son domaine de compétence, de garantir la précision d'interprétation et de traduction de notions et concepts dans les domaines spécialisés, d'élaborer et d'éditer un dictionnaire référentiel de la langue amazighe, poursuit la même source.

Contribuer à la conservation du patrimoine immatériel amazigh, notamment par sa numérisation, et encourager toute recherche et traduction en langue amazighe visant à préserver le patrimoine lié à la mémoire nationale, outre la publication des résultats des travaux de l'Académie dans des revues et des publications périodiques tout en assurant leur édition, sont d'autres missions qui relèvent de cette Académie.

Elle sera composée de 50 membres au plus désignés et nommés par décret présidentiel et choisis parmi les experts et compétences avérées dans les domaines des sciences en rapport avec la langue amazighe et les sciences connexes.

Le président de l'Académie est également nommé par décret pour un mandat de quatre ans. Il a, entre autres, missions "la présentation d'un rapport annuel au président de la République après son adoption par le Conseil de l'Académie". 

Des juristes dénoncent “une démarche pernicieuse du pouvoir”

“De par les moyens et les mécanismes prévus, cette académie ne répondra pas aux critères scientifiques que l’on connaît aux académies de par le monde et qui assurent son indépendance”, a souligné Me Hakim Saheb.

Le vote par l’APN de la loi organique relative à l’Académie algérienne de la langue amazighe, n’a pas manqué de faire réagir des juristes et des militants de la cause et des partis politiques, qui ont dénoncé une entorse à la Constitution et une violation de la loi fondamentale. Ainsi, après les réactions en plénière des députés du RCD et du FFS, notamment contre ce qu’ils ont appelé “les manœuvres du régime contre tamazight”, des juristes abondent dans le même sens et dénoncent, eux également, la démarche du pouvoir qui vise, selon eux, “à vider l’article 4 de la Constitution de sa substance”.

Pour Me Hakim Saheb, “du point de vue du principe de la hiérarchie des normes, l’urgence était de s’atteler à la promulgation d’une loi organique portant généralisation et promotion de la langue conformément à l’esprit de l’article 4 de la Constitution”. L’avocat a expliqué que ledit article “promeut tamazight du statut de langue nationale à celui de langue officielle”, ajoutant que la mise en œuvre de cet article passe par “la promulgation d’une loi organique relative à la promotion et à la généralisation de la langue amazighe comme ce fut le cas pour la langue arabe”. “Or, dénonce-t-il, ce qui a été proposé n’est autre qu’une discrimination”, car, a-t-il précisé, “on a voulu vider substantiellement l’article 4 de la Constitution de son contenu, en se focalisant sur la mise sur pied d’une académie de la langue”.

“C’est une démarche pernicieuse du pouvoir en place”, a dénoncé l’avocat, soulignant que cela “traduit la volonté du pouvoir à déférer l’intégration de tamazight dans les institutions et à rendre effectif l’article 4 de la Constitution”. Concernant l’académie de la langue amazighe, l’avocat estime qu’elle ne répond pas aux critères scientifiques. “De par les moyens et les mécanismes prévus, cette académie ne répondra pas aux critères scientifiques que l’on connaît aux académies de par le monde et qui assurent son indépendance”, a-t-il dit, considérant que même la composante humaine qui serait désignée “consacre plutôt la subordination au pouvoir exécutif” qu’une “volonté de mettre sur pied une institution scientifique capable de relever les défis”.

Il a relevé le fait qu’une volonté d’exclure des praticiens de la langue, dont des artistes et des écrivains de l’académie, existe, ce qui ôtera le caractère scientifique à cette future institution.
Ahmed Betatache, ancien député du FFS, juriste et également militant de la cause, a rappelé que l’article 4 de la Constitution précise que tamazight “est également langue nationale et officielle. L'État œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. Il est créé une Académie algérienne de la langue amazighe, placée auprès du président de la République. L'Académie qui s'appuie sur les travaux des experts, est chargée de réunir les conditions de la promotion de tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle. Les modalités d'application de cet article sont fixées par une loi organique”.De ce fait, estime-t-il, “la loi organique qui devrait être promulguée, doit appliquer cet article de la loi fondamentale”.

Il a ajouté, à ce propos, que la loi organique attendue doit stipuler que “les institutions de l’État doivent œuvrer à la promotion et au développement de tamazight”.
Pour Ahmed Betatache, la loi organique votée avant-hier “est anticonstitutionnelle”. Et, a-t-il précisé, “exige une loi organique pour la mise en œuvre de l’article 4 de la Constitution” pour la promotion et le développement de tamazight, car l’académie n’est qu’un instrument de cette promotion.   

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