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Algérie : Consécration de Yennayer, des partis et organisations saluent un "acte historique", d'autres le contestent

Des partis politiques et organisations nationales ont salué vendredi la décision du président de la République de consacrer Yennayer fête nationale officielle, considérant qu'il s'agit d'un "acte historique" pour la consolidation de l'unité nationale et la consécration de la démocratie.

Dans ce sens, la secrétaire générale du Parti des Travailleurs (PT), Louisa Hanoune, a valorisé la décision de consacrer Yennayer journée chômée et payée, la qualifiant de "grande victoire pour la démocratie et l'unité nationale". Elle a ajouté que Tamazight a enregistré une "avancée historique sous le règne du président Bouteflika".

Pour Mme Hanoune, la décision du chef de l'Etat de consacrer Yennayer, premier jour de l'An amazigh (12 janvier), journée chômée et payée et d'ordonner au gouvernement d'accélérer la préparation du projet de loi organique portant création d'une académie algérienne de la langue amazigh, constitue "une nette et grande victoire pour la démocratie et l'unité nationale" à même de "couper l'herbe sous les pieds des aventuristes".

Elle a considéré "judicieux le lien que fait le président de la République entre la prise en charge de toutes les questions relatives à l'amazighité et les bouleversements en cours au plans régional et international et l'impératif de protéger notre pays des menaces qui nous entourent et de plus en plus grandes à travers le monde".

Dans le même sillage, elle a indiqué que le PT "reconnait, en dépit de ses divergences avec les gouvernements successifs, que Tamazight a enregistré sous le règne du président Bouteflika une avancée historique, à commencer par sa reconnaissance en 2002 en tant que langue nationale jusqu'aux dernières décisions courageuses et progressistes".

De son côté, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderezzak Makri, a écrit sur sa page Facebook, que sa formation politique n'a eu de cesse, depuis longtemps, de plaider pour la création d'une académie de la langue amazigh, en vue d'une prise en charge "logique" et "réaliste" de cette langue.

Il a appelé, à ce propos, les partis politiques à intégrer l'utilisation "sans aucun complexe" de Tamazight dans leurs programmes et à l'épargner des exploitations politiciennes qui ne servent pas les intérêts du pays.

La décision de faire de Yennayer une fête nationale officielle a été, également, qualifiée d'"acte historique" par le ministre de la Communication, Djamel Kaouane. 

Il s'agit d'une décision qui "consacre un élément important de notre identité après la constitutionnalisation de Tamazight comme langue nationale et officielle et concourt", a-t-il souligné, relevant que cette décision est susceptible de contribuer au "renforcement de notre identité nationale".

Abondant dans le même sens, le secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi Saïd, a estimé que la décision du chef de l'Etat s'inscrit en droite ligne de la "consolidation" et de la "confortation" de l'unité nationale.

"Je ne peux que saluer et remercier le Président pour cette décision et pour toutes les autres décisions prises dans l'intérêt de notre pays et de notre peuple", a-t-il affirmé. Qualifiant d'"éminemment importante" la consécration de Yennayer jour de l'An amazigh, il a soutenu que celle-ci vient d'ajouter "une autre cimentation à la cohésion sociale du pays après la réconciliation nationale, qui est aujourd'hui un véritable ciment de la paix". 

Auparavant, des personnalités et organisations nationales avaient, pour leur part, rendu hommage au président de la République pour avoir décrété Yennayer journée chômée et payée, comme ce fut le cas notamment du Secrétaire général du Haut Commissariat à l'Amazighité (HCA), Si El-Hachemi Assad, pour qui le chef de l'Etat, à travers cette décision, "réaffirme, encore une fois, qu'il est toujours au rendez-vous avec l'Histoire, porteur d'une vision d'avenir au service de la stabilité du pays et de l'unité nationale".

Il a considéré l'officialisation de Yennayer comme "un saut qualitatif pour la consolidation de la cohésion de la société algérienne" et "une motivation supplémentaire pour la poursuite des efforts dans le sens de la généralisation graduelle de la langue amazighe à travers l'ensemble du territoire national".

De son côté, le président du Haut conseil de la langue arabe, Salah Belaïd, a déclaré que "notre civilisation repose sur le triptyque Islam, Arabité et Amazighité", mettant l'accent sur les efforts de l'Algérie pour préserver les composantes de l'identité en constitutionnalisant la langue amazigh qui "donne à la citoyenneté linguistique toute sa dimension et affirme la complémentarité entre la langue amazigh et la langue arabe".

Le Président de la République avait annoncé, mercredi lors de la réunion du Conseil des ministres, sa décision de consacrer Yennayer journée chômée et payée dès le 12 janvier 2018. 

Le chef de l'Etat avait enjoint au gouvernement de "ne ménager aucun effort pour la généralisation de l'enseignement et de l'usage de Tamazight, conformément à la lettre et à l'esprit de la Constitution". 

Il avait également chargé le gouvernement d'accélérer la préparation du projet de loi organique portant création d'une Académie algérienne de la langue amazighe.

 

En savoir plus

Un accueil mitigé par des militants berbéristes

En prenant cette décision, Abdelaziz Bouteflika répond directement à une vieille exigence du mouvement kabyle algérien, mais aussi aux tensions qu’a connues cette région frondeuse début décembre. Des milliers de manifestants, essentiellement des jeunes, avaient défilé dans différentes villes d’Algérie, surtout en Kabylie, pour protester contre le rejet d’un amendement parlementaire visant à promouvoir l’enseignement de la langue amazigh.

Pourtant, tous les militants berbéristes n’ont pas été réceptifs au geste présidentiel. Pour Ferhat Mehenni, dirigeant du Mouvement pour l’autonomie kabyle (MAK), la frange radicale du mouvement kabyle, ce n’est pas une réelle avancée : « Pour nous, cela n’est rien. En faisant cela, Alger ne fait que répondre à la pression de la jeunesse kabyle, qui n’a pas lâché la rue. »
Le divorce est consommé

La langue amazigh a été promue langue officielle lors de la réforme constitutionnelle de mars 2016. Celle-ci prévoit une loi organique pour organiser le nouveau statut de l’amazigh. « Le fait est que les citoyens ne peuvent pas se saisir de leurs institutions en amazigh. La langue de l’État reste l’arabe. Et l’enseignement de l’amazigh, dans toutes ses variantes, n’est absolument pas satisfaisant « , regrette Yassine Aissiouane, député du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), un parti historique du mouvement berbère qui n’a pas, non plus, pris la peine de saluer la décision présidentielle.

Sur le terrain, il semble que le divorce entre les élites dirigeantes et le mouvement amazigh soit largement consommé et que les mesures symboliques prises les unes après les autres ne présagent pas un réchauffement des relations. La société civile n’est, d’ailleurs, pas appelée par les autorités à participer à l’introduction de l’amazigh comme langue officielle. « La Présidence prend ses décisions seule, sous la pression. Elle pensait en avoir fini avec les revendications identitaires et culturelles avec la réforme de 2016, mais voit bien que les manifestations durent encore », précise Aissiouane.

Source : Jeune Afrique

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