
Résistante, militante antiraciste, artiste, Joséphine Baker va faire son entrée au Panthéon le 30 novembre, a annoncé le président de la République. Retour sur cette femme au parcours étonnant. Des paillettes à la Résistance. De la pauvreté à la célébrité.
(AFP) - « J’ai deux amours, mon pays et Paris. » Cette mythique chanson et la carrière artistique de la Franco-américaine Joséphine Baker ont longtemps éclipsé dans la mémoire collective les autres facettes de cette artiste décédée en 1975. Derrière les plumes et la fameuse ceinture de bananes, il y avait une femme à l’histoire personnelle douloureuse, épique et romanesque, une femme libre, une femme militante antiraciste, contre la ségrégation et résistante pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour cette raison, Joséphine Baker fera son entrée au Panthéon le 30 novembre, devenant la première femme noire à rejoindre les grandes personnalités qui sont inhumées dans ce temple républicain dédié à ceux qui ont marqué l’Histoire de France.
Danseuse et chanteuse
Née dans le Missouri (États-Unis) en 1906, Freda Josephine McDonald a grandi dans un milieu très pauvre. La voilà mariée deux fois à l’âge de 15 ans. Elle va poursuivre sa vie avec une audace, une ténacité inouïe et avec talent. D’abord en suivant une troupe d’artistes noirs, puis en allant danser à Broadway. Remarquée par un producteur, elle part pour Paris où, à 19 ans, elle devient une star de la Revue nègre, spectacle musical qui a contribué à populariser en France le jazz et la culture noire américaine.
Elle sera l’artiste la mieux payée du music-hall parisien ! Le 30 novembre 1937, elle épouse Jean Lion, un industriel d’origine juive et obtient la nationalité française. Elle divorcera et se remariera deux fois par la suite.
Elle fait passer des documents avec ses partitions
En 1939, elle se met au service de la France. Elle rencontre le capitaine Jacques Abtey, qui sera responsable du contre-espionnage de la région de Paris et est recrutée comme agent de renseignement. Elle fait passer des informations inscrites à l’encre sympathique sur ses partitions de musique. Elle est envoyée par la suite en mission au Maroc et part en tournée au profit de la Résistance. Elle est nommée sous-lieutenant des troupes féminines auxiliaires de l’armée de l’air française.
« Je n’avais qu’une seule chose en tête […] aider la France », avait-elle dit dans des archives de l’Ina. Elle recevra la Légion d’honneur, la Croix de guerre et la Médaille de la Résistance.
À la tribune avec Martin Luther King
En 1963, lorsque Martin Luther King prononce son célèbre discours « I have a dream », Joséphine Baker est aussi là ! Elle a même pris la parole, faisant un discours devant la foule immense, à Washington. Elle a alors revêtu son uniforme et ses médailles de résistante.
« C’est la femme de spectacle, la femme de cœur, la mère, la femme dans son entièreté, la résistante. Même si elle était fière de ce qu’elle avait fait pendant la Seconde Guerre mondiale, elle mettait surtout en avant ses idéaux humanistes », a réagi ce dimanche Akio Bouillon, l’un de ses 12 enfants, sur france info . Car sa vie de famille a également été hors norme. Avec son mari Jo Bouillon, chef d’orchestre, qu’elle épouse en 1947, elle a adopté 12 enfants, du Japon, de Colombie, du Venezuela, de Finlande, de France, d’Algérie, de Côte d’Ivoire, du Maroc. Elle les appelait sa « tribu arc-en-ciel » .
Ils vivent alors au domaine des Milandes, en Dordogne. Un lieu étonnant et utopique, mais que Joséphine et ses enfants doivent quitter parce qu’elle est ruinée et criblée de dettes. La princesse Grace de Monaco lui tendra la main et lui offrira alors un logement. Elle est décédée au lendemain de la 14e représentation à Bobino (Paris) du spectacle où elle célébrait ses cinquante ans de carrière. Un spectacle acclamé.