
De moins en moins utilisée, l'expression "toute honte bue" exprime l'idée selon laquelle on ne ressent aucun sentiment de honte alors qu'on vient d'agir de façon déshonorante. Le Parti Socialiste vient de la remettre au goût du jour en se vendant, corps et âme, au parti de Jean-Luc Mélanchon, la France insoumise, dont les idées sont à l'opposé de celles du PS dans la plupart des domaines.
(Avec AFP) - L’instance dirigeante du Parti socialiste français (PS) a approuvé jeudi soir un accord d’union avec la gauche radicale en vue des législatives de juin, au terme d’un débat houleux au sein d’une formation menacée d’implosion.
Obtenu au forceps mercredi, cet accord d’union qui regroupe le PS, La France insoumise (LFI, gauche radicale), les communistes et les écologistes, concentre l’espoir d’une partie de la gauche d’obtenir une majorité des 577 députés lors des scrutins des 12 et 19 juin.
Réunie sous une même bannière, la «nouvelle union populaire écologique et sociale», cette coalition rêve d’imposer un partage du pouvoir au président centriste libéral Emmanuel Macron, tout juste réélu face à la candidate d’extrême droite Marine Le Pen.
«Nous n’étions plus fréquentables»
Si cet objectif – jugé peu plausible par les politologues – fait largement consensus à gauche, les modalités de l’accord passent mal auprès de certains socialistes déjà pressentis pour les législatives, sommés de céder leur place, et auprès de ténors du parti. Le Conseil national, le «parlement» du PS, a finalement adopté l’accord par 167 voix pour, 101 contre et 24 abstentions, après quatre heures de vifs débats.
«C’est un moment de clarification, ce vote dit à quel espace politique nous appartenons», «à gauche» et pas avec Emmanuel Macron, a conclu le premier secrétaire fortement contesté, Olivier Faure, depuis le siège du PS à Ivry-sur-Seine, près de Paris. L’accord «nous remet dans la gauche, nous en étions sortis. Nous n’étions plus fréquentables», s’est félicitée la sénatrice Laurence Rossignol en oubliant d'où elle venait et ce qu'elle avait fait avant.
«LFI n’est pas la force centrale de la gauche, elle est temporairement dominante, c’est un moment à passer», a-t-elle tenté de rassurer. «L’accord que vous avez négocié demande de nous excuser, de faire repentance, de nier une partie de notre histoire», s’est au contraire insurgée une des opposantes à l’alliance, Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin dans la banlieue de Lyon.
Deux points en particulier font grincer des dents: le nombre de circonscriptions obtenues par le PS – 70 contre les 100 espérées – et la possibilité de «dérogations» aux règles de l’Union européenne (UE), perçue comme certains socialistes comme une rupture avec la doctrine du parti. Selon la liste consultée par l’AFP, une bonne vingtaine de circonscriptions sont gagnables, sur les 70 obtenues. L’Assemblée sortante comptait 26 députés PS, plus trois apparentés. Bref, le PS s'est fait "rouler dans la farine", comme on dit de manière populaire.
Lignes de fracture
Face à cet accord, une ligne de fracture a ressurgi au sein du PS. D’un côté, ceux qui voient dans l’accord un reniement du logiciel socialiste, à l’image de l’ex-président François Hollande et de ses anciens Premiers ministres Jean-Marc Ayrault ou Bernard Cazeneuve, qui a mis à exécution sa menace de quitter le parti. Bernard Cazeneuve a notamment vu dans cet accord un «rafistolage» et une «forme de démission». Ils sauvent l'honneur du PS historique.
De l’autre, ceux qui y voient une planche de salut pour une formation ressortie groggy de la présidentielle avec un score historiquement bas, sous la barre des 2%. On y retrouve la maire de Lille (nord) Martine Aubry, figure vieillotte et mise au placard du parti, et d’autres maires de grandes villes qui soutiennent l’accord, comme celui de Nancy, qui ne verront certainement pas leur mandat municipal renouvelé au moment venu.
Reste à savoir dans quel état le PS, courant historique qui a dirigé alternativement la France avec la droite pendant trente ans avant l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, sortira de cette nouvelle zone de turbulences.
Exaspéré sur le plateau de CNews, Julien Dray, ancien membre du bureau du PS, a longuement critiqué ce ralliement à la France insoumise : "Olivier Faure vient de signer une capitulation politique en rase campagne qui renie sa propre histoire et ses propres engagements. Militantes et militants socialistes, l’heure de la désobéissance est un impératif. Jean-Luc Mélenchon est d’une habilité totale. Il est très malin car il va juste laisser les partis avec la tête hors de l’eau et un jour il sera avec les Verts, un autre avec le Parti socialiste. Tout ça ne tient pas debout".
Concernant la "désobéissance aux traités européens", que souhaite LFI, les socialistes se disent "profondément attachés à la construction européenne", et "refuseron(t) de mettre en danger la construction européenne".
À ce sujet, l’ancien président de la République, François Hollande, invité sur le plateau de franceinfo, a fait part de sa grande inquiétude : "Si les programmes sont faits pour être appliqués, ça voudrait dire quoi, dans l'état actuel de la négociation ? Ça voudrait dire que le prochain gouvernement serait amené à mettre en cause les traités européens, à désobéir aux traités européens ? Le prochain gouvernement, s'il était constitué, s'il avait une majorité, serait amené à quitter l'Otan, à ne plus aider les Ukrainiens en leur fournissant des équipements militaires ? C'est la position de Jean-Luc Mélenchon et des Insoumis".
De son côté, Carole Delga, présidente de la région Occitanie, a tweeté une phrase de Pierre Mendès France : "La morale en politique interdit que stratégie et convictions divergent, fut ce pour des motifs d’opportunité transitoire. C’est ce que j’appelle la vérité".