
Épicentre de l'épidémie de Covid-19 en Algérie, la ville de Blida est confinée depuis le 23 mars. Pour sa population, ce n'est pas toujours rose. Un reportage d'Adlène Meddi pour Le Point.
(Le Point - Afrique) - « Quand le mot “confinement” tombe subitement, on réalise qu'on est vraiment dedans… Avec ce sentiment d'être dangereux pour les autres. » Khaoula est gynécologue à Blida, ville à 50 kilomètres au sud d'Alger, complètement confinée depuis le 23 mars. Épicentre du coronavirus, c'est là que les premiers cas ont été détectés dans le pays. Blida est une ville très active, avec ses zones industrielles, ses marchés, ses casernes (siège de la première région militaire) et aussi avec sa position stratégique de ville pivot pour les transports vers toutes les zones du pays, surtout le Sud et l'Ouest.
« L'idée du confinement total me taraude depuis l'annonce des deux premiers cas hospitalisés à Boufarik [ville mitoyenne de Blida], à ce moment-là, je suis persuadée que c'est la solution, tout simplement parce qu'autour de moi, il y a des médecins [son frère et son épouse], inquiets de voir “ce syndrome grippal” qui finalement n'en est pas un prendre de l'ampleur en Chine et en Europe », se rappelle Jinane, vétérinaire à Blida. « Les courses de dernière minute, les rues qui se vident, le silence tant recherché qui devient lourd, les journées qui se ressemblent, subitement si courtes et rythmées par les infos… Mais les enfants sont contents avec ces vacances prolongées… » témoigne Khaoula.
Lecture, jardinage, zapping
Dans la « ville des roses », le quotidien du confinement est partagé entre lecture, jardinage pour les plus chanceux, et l'école à la maison pour les enfants, tout en tentant de limiter l'accès aux écrans et aux jeux vidéo, même si, comme le concède Khaoula, « on devient plus souple avec ces circonstances ». Mais c'est le zapping entre les différentes chaînes d'info, algériennes et étrangères, qui accapare l'attention des confinés. Seuls les pharmacies, les commerces d'alimentation générale et de produits d'hygiène restent ouverts. La sortie des Blidéens hors de leur domicile est soumise à « une raison justifiée » et restreinte à un seul membre de la famille pour les besoins quotidiens.
La présentation d'une attestation de l'état civil est « préférable », dans le cas d'un examen de la situation par les services concernés, rappellent sans cesse les autorités. « Pour les courses, mon époux et moi sortons à tour de rôle, et nous nous limitons à notre quartier et ses alentours. De toute façon, les policiers ne vous permettent pas de dépasser votre secteur, que ce soit à pied ou en voiture. On fait nos courses une fois par semaine pour limiter les sorties, et pour le moment, on trouve le nécessaire », témoigne Jinane.
Le patient 0 de Blida
C'est à la mi-février que les choses se sont apparemment enclenchées : un Algérien de 83 ans et sa fille résidant en France ayant séjourné en Algérie du 14 au 21 février 2020 dans leur famille à Blida ont été confirmés positifs au coronavirus après leur retour en France, le 21 février 2020. Invité à une fête de mariage à Béni Mered, près de Blida, l'octogénaire, qui souffre de diabète et d'hypertension, a été pris d'une forte fièvre. Sa santé s'étant détériorée, il a décidé de rentrer en urgence en France en compagnie de sa famille pour se soigner. Et c'est là qu'il a été diagnostiqué positif au coronavirus, ainsi que sa famille. À la suite de l'enquête épidémiologique, la femme et sa fille, qui ont hébergé la famille émigrée, se sont avérées porteuses saines du virus. Elles ont aussi rencontré plusieurs personnes…
Faire face à la psychose
« Nous comptons nos morts, nous aussi. On se connaît tous à Blida, le deuil de l'un est celui de tous. On s'appelle à longueur de journée pour prendre des nouvelles des uns et des autres. Certains patients se rétablissent, et ça rassure, mais le confinement reste difficile. Quelques quartiers continuent à bouger, mais la population est rappelée à l'ordre par les médecins, les pompiers, les associations et la police. Les campagnes de sensibilisation se multiplient sur les réseaux sociaux, et cela fonctionne heureusement », poursuit la gynécologue.
Dans son milieu hospitalier, c'est l'urgence. « Les services d'épidémiologie et de réanimation sont en alerte maximum, nous n'avons pas l'habitude de situations pareilles. Comme en Europe, nous sommes submergés, mais non pas encore par le nombre des cas, mais par une situation sanitaire difficile à gérer, les services sont bousculés, le personnel insuffisant… Le travail commence à devenir oppressant, des patients non concernés affluent, d'autres sont dans la psychose. C'est dur de travailler avec les neurones en ébullition. Entre-temps, les dons affluent vers l'hôpital, surtout de la part des particuliers et des associations », poursuit Khaoula.
« Mes hommages à nos concitoyens de Blida pour leur patience devant le confinement imposé par le coronavirus. Ce n'est nullement une punition. Blida, le joyau de l'Algérie, ne peut être punie », a publié sur son compte Facebook le président Abdelmadjid Tebboune peu de temps après l'instauration du confinement. En parallèle, la solidarité s'organise. Massivement. Des caravanes de semi-remorques convergent vers le département confiné. Des campagnes sur les réseaux sociaux, notamment celle de la vente par les stars de l'équipe nationale de leurs effets au profit des Blidéens, des distributions de denrées aux démunis, des aides de citoyens pour le personnel médical. « Blida, nous ne t'oublions pas » : le slogan des pages Facebook de solidarité résume bien l'état d'esprit.
« J'attends mon tour »
Mais le choc reste violent, malgré ce formidable élan de compassion. « Je me rends compte que je n'arrive plus à me concentrer sur quoi que ce soit, que je ne suis qu'à l'affût des infos », confie Jinane, dont un proche est décédé récemment du Covid-19 lors de son séjour en Italie. « Ce confinement est devenu par moments une sorte de salle d'attente où on se demande qui est mort et qui est encore en vie… Comme dans le couloir de la mort, j'attends mon tour. Je réfléchis à des choses auxquelles je ne pense que rarement, comme le comment du pourquoi de cette vie, ce que je vais laisser derrière moi… Autant de questionnements qui ne m'étaient venus qu'à la perte de mes parents. Je suis à mon 23e jour de confinement intégral, ce 6 avril, et les nouvelles habitudes de vie au quotidien se sont ancrées au point que je me demande comment je vais réagir aux premiers moments de déconfinement. J'ai perdu beaucoup d'amis de mon âge – j'ai 66 ans – et des membres de la famille. Je m'imagine mal me faire à leur disparition. »
« Des coins de rue et des cafés me reviennent à l'esprit, mais comment s'y attabler sans eux ? » s'interroge Abdelkrim, enseignant et ancien journaliste, véritable activiste culturel de Blida, ville phare d'auteurs et de musiciens populaires. Il raconte s'endormir avec les écouteurs aux oreilles pour tromper l'angoisse en écoutant les maîtres Rachid Nouni, El Anka, Dahmane Ben Achour… Mais dans la pénombre, l'espoir se fraye un petit rayon. Cette semaine, le nombre de patients admis au CHU Frantz-Fanon de Blida en détresse respiratoire au service de réanimation a « considérablement diminué », selon les informations de TSA, qui note une baisse de 30 à 40 %. Selon des spécialistes, ce sont là les premiers résultats du confinement total à Blida et du protocole de traitement à la chloroquine associée à l'azithromycine.
« Je me pose la question : y aura-t-il un après-corona ? » s'interroge Jinane. « Je le souhaite, mais aurons-nous appris quelque chose ? Serons-nous plus humains entre nous ? Ou allons-nous enrichir les psychiatres ? Là, je suis dans l'expectative. » Pour Khaoula aussi, les lendemains la questionnent. « On attend. On ne fait plus de projets, on vit au jour le jour… Mais, finalement, non, il y a bien un projet, le seul : après le corona, on appréciera mieux la vie… On vient de se rendre compte qu'on était si heureux. »
(Radio M - Blog de Abdelkrim MEKFOULDJI) - Blida se meurt à petit feu. Ce n’est pas la peste, ce n’est pas l’État mais ses propres enfants qui s’interdisent une discipline de confinement. Chaque jour nous rapporte les nouvelles de décès d’êtres connus, d’êtres qui furent bien portants et que ce virus a emporté. Par faute d’une écoute attentive du corps médical et des spécialistes à travers les chaînes tv et les journaux, les réseaux sociaux et les campagnes de volontariat, des nouvelles au quotidien de Blidéens emportés par la maladie et auxquels nous ne pouvons même pas assister à leurs enterrements, sur conseil –sur ordre plutôt des médecins- afin que la contagion n’aille pas au-delà du malheureux.
S’empêcher ainsi d’accompagner à leurs dernières demeures des êtres chers avec qui nous avions partagé des décennies de joie et de peine, voilà une torture à laquelle nous sommes assignés dans cette ville meurtrie, Blida, devenue l’épicentre du COVID-19 mais que des groupuscules d’habitants continuent d’occuper à travers les rues et cités, les quartiers et les trottoirs, allant à l’encontre des recommandations. Des cortèges de mariés avaient même été recensés jusqu’au jeudi 19 mars alors que la pandémie avait fait des ravages à Blida. Des enfants de familles connues disparaissent et ce semblant de fierté de jeunes se croyant immunisés poursuit son combat inconscient d’élimination.
En ce dimanche 22 mars à 17H, le bilan officiel à Blida était de 110 personnes atteintes du coronavirus et 11 décès, sur un total national de 201 personnes malades et 17 décès, soit près de la moitié subie par la ville des roses. À qui la faute ?
Le personnel médical et paramédical manque du strict minimum, les centres hospitaliers sont dépassés par le nombre de malades à prendre en charge; et ni masques en nombre suffisant, ni gel, ni gants, ni blouses à jeter après consultations ne sont donnés en nombre et il semble qu’une chape de plomb soit abattue sur ce corps médical se trouvant au front, pratiquement seul.
Les entreprises locales, le CEIMI, les associations et les personnes de bonne volonté devraient prêter main forte afin que cette pandémie voit ses chiffres diminuer, pour ne pas dire disparaître. L’arrêt des cours ne signifie point des vacances donnant lieu à des regroupements de fêtards ! C’est le confinement où la règle de distanciation d’un mètre minimum devra être respectée et les marchés au souk ou dans les grandes surfaces ne soient point bondés.
L’indiscipline devra être combattue et chacun d’entre nous se doit de réfléchir aux meilleurs moyens à mettre en œuvre afin d’apporter aide et assistance aux personnes handicapées, aux SDF, aux vieilles personnes, songer à des cours sur Internet pour les classes d’examen avec la mobilisation de nos jeunes diplômés en informatique. L’attentisme est banni tout autant que l’indiscipline ! Nous devons forger un état d’esprit batailleur avec toute cette jeunesse et deux universités devant être un exemple à travers le territoire national.
Sus à celles et ceux qui pensent à enfreindre la loi du confinement et le minima est de dénoncer ces personnes. Les choses rentreront dans l’ordre inch’Allah dans des délais courts si nous respectons les règles de confinement. Acceptons de rentrer dans le rang en ces jours de printemps, par civisme et par solidarité religieuse.