
Abdennabi pour Maglor - Dans un tournant diplomatique majeur, le Royaume-Uni a récemment exprimé un soutien clair au plan marocain d’autonomie pour le Sahara, le qualifiant de "solution crédible, sérieuse et réaliste". En rejoignant ainsi les États-Unis et la France – deux membres permanents du Conseil de sécurité – Londres renforce la dynamique internationale favorable au projet présenté par le Maroc depuis 2007.
Ce positionnement britannique, accueilli positivement par Rabat, soulève une interrogation centrale : l’Algérie, principal soutien du Front Polisario, est-elle en train de réévaluer ses positions traditionnelles ? Pour la première fois, la diplomatie algérienne a réagi de manière relativement mesurée, se contentant d’affirmer que "la proposition marocaine n’a jamais été soumise aux Sahraouis comme base de négociation". Or, ce propos est inexact : le texte marocain est public et largement débattu au sein des Nations Unies. Ce changement de ton pourrait trahir une évolution plus profonde ou, à tout le moins, une volonté d’éviter une confrontation directe avec une communauté internationale de moins en moins favorable à la thèse du référendum.
Une convergence transatlantique autour du plan marocain
Le soutien des États-Unis ne date pas d’hier, mais il semble désormais se renforcer qualitativement. Le Département d’État américain a exhorté récemment toutes les parties à "engager sans délai des discussions, en utilisant le plan marocain d’autonomie comme cadre unique de négociation pour parvenir à une solution acceptable". Cette formulation, bien plus explicite que par le passé, écarte de facto les autres options jusque-là évoquées, comme le référendum ou l’indépendance.
Plus frappant encore, Washington a utilisé pour la première fois l’expression "autonomie réelle sous souveraineté marocaine", une terminologie lourde de sens. Cette position a été relayée à plusieurs reprises dans des courriers adressés à l’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, Staffan de Mistura. Les États-Unis y auraient formulé trois exigences : que l’autonomie soit sérieuse, que le Maroc précise les contours de son projet (notamment les compétences qui seraient transférées), et que les grandes puissances s’impliquent davantage dans les négociations.
Le Maroc face à de nouveaux défis
Ces prises de position ouvrent une question stratégique pour Rabat : les puissances occidentales cherchent-elles à pousser le Maroc à "améliorer" son offre d’autonomie ? En d’autres termes, souhaite-t-on un statut d’autonomie élargi, comparable à celui du Kurdistan irakien ou d’autres entités dotées d’un haut degré d’autogouvernance ?
Le projet marocain, tel que soumis aux Nations Unies, offre déjà un large éventail de compétences à une future région saharienne autonome : institutions législatives, exécutives et judiciaires propres, libre administration des affaires locales, et capacité de développer les relations extérieures dans le cadre fixé par la souveraineté marocaine. Ce schéma dépasse en bien des points les prérogatives dont disposent d’autres entités autonomes à travers le monde.
Cependant, une autre question fondamentale se pose : l’État marocain, centralisé dans sa tradition, est-il prêt à reconnaître un tel degré d’autonomie à une région particulière ? Et comment les autres régions – notamment le Rif, l’Oriental ou le Souss – percevront-elles ce traitement différencié ?
Un consensus externe, mais quel équilibre interne ?
Il ne suffit pas d’obtenir le soutien international. Pour que le projet d’autonomie soit viable, il doit aussi être accepté par la société marocaine dans son ensemble. Or, accorder à une seule région des pouvoirs spécifiques, sans démarche équivalente ailleurs, pourrait créer des frustrations et renforcer des dynamiques régionalistes.
C’est pourquoi une réflexion nationale s’impose : quelle place donner à la régionalisation avancée dans le Maroc de demain ? Le plan d’autonomie peut-il être l’occasion de relancer un débat plus large sur la démocratie locale, l’équité territoriale et le partage du pouvoir au sein du Royaume ?
Conclusion : entre opportunité diplomatique et responsabilité intérieure
Le soutien britannique au plan d’autonomie confirme une tendance internationale lourde : la solution marocaine apparaît désormais comme la seule réaliste aux yeux des principales puissances mondiales. Mais cette reconnaissance croissante impose aussi au Maroc de définir avec précision le contenu de son offre, de convaincre sur sa faisabilité, et d’assurer un consensus national durable autour de ce modèle.
L’enjeu ne se limite donc pas à la scène internationale : il concerne aussi la cohésion interne, l’équité entre les régions, et la capacité du Royaume à conjuguer souveraineté, ouverture et modernité.