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La diplomatie française : ou comment naviguer à contre-courant de l’histoire

Le Dr Mraizika, historien, chercheur en Sciences Sociales et écrivain, décrypte avec perspicacité les relations délicates entre la diplomatie française et le Maroc. Plongeons au cœur de cet article captivant pour explorer les enjeux et les défis qui se dessinent dans ces relations complexes.

   Après la déclaration (12 septembre) hasardeuse et maladroite du président Macron à l’adresse des marocains et l’usage (15 septembre) outrancier du salon marocain par Madame Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, le ciel des relations franco-marocaines s’assombrit un peu plus. En faisant fi des règles les plus élémentaires de la courtoisie, de l’amitié franco-marocaine et des règles de la diplomatie internationale, ces deux déclarations renforcent en effet un peu plus la méfiance du Maroc à l’égard d’une diplomatie française qui patauge et qui cherche à rattraper ses erreurs et de couvrir les effets désastreux d’une politique irréfléchie et d’une campagne médiatique inacceptable contre le Maroc et ses institutions.

  Quant au Sénateur de droite (LR) Bruno Retailleau, défenseur de la thèse xénophobe lepéniste de la « submersion migratoire », il met le doigt dans un engrenage risqué en dénonçant (Sud Radio, 12 septembre) la "repentance perpétuelle" alors que la France connaît en Afrique un désaveu politique et un sérieux mouvement de rejet. Le sénateur Retailleau est un habitué du fait. En novembre 2020 il ressort avec nostalgie une idée de l’histoire coloniale française en affirmant que « La colonisation c'est aussi des heures qui ont été belles, avec des mains tendues".  Mais comme il est difficile de gommer de la mémoire collective des pays colonisés (Maghreb, Indochine, Madagascar) des chapitres douloureux de cette histoire, B. Retailleau reconnaît que cette colonisation « c'est bien entendu des heures qui ont été noires ».

  Trois attitudes de deux bords politiques différents, mais qui expriment une même vision de la France de la IIIe République, colonisatrice et hautaine au non d’une certaine « mission civilisatrice » des peuples colonisés.

   Les échecs de la France au Mali, au Burkina Faso et au Niger reflètent certes une prise de conscience politique des nouvelles générations africaines. Mais ces échecs diplomatiques et militaires sont aussi le résultat d’une remise en cause de la fameuse doctrine « France Afrique » doublé d’un refus de la présence militaire de la France sur la terre africaine.

  Le président Jacques Chirac a eu le courage politique d’alerter sur les travers de la politique africaine de la France en annonçant en 1997 au Cap, devant le Parlement sud-africain, que           

« L'ancien modèle de relations entre la France et l'Afrique n'est plus compris par les nouvelles générations d'Africains, comme d'ailleurs par l'opinion publique française ». Il suggère alors de « changer ce modèle si l'on veut regarder l'avenir ensemble ».

   Ce qui se passe aujourd’hui c’est que l’Afrique veut prendre son destin en main, regarder son avenir en face avec ses propres lunettes sans l’ingérence étrangère dans ses affaires internes et sans la présence militaire de la France sur sa terre. Une terre sacrée qui a tant donné à la France (ressources naturelles et soldats) et tant souffert d’une politique à vocation colonialiste.

 La déclaration Retailleau a choqué au sein même de la droite Républicaine car elle témoigne de la nostalgie d’une époque révolue entretenue en France par une droite affaiblie et une extrême droite populiste et xénophobe. Loin de favoriser la cohésion nationale, de rapprocher les peuples anciennement colonisés avec la France, ce type de déclaration sème la haine et contribue à la falsification de l’histoire en justifiant l’injustifiable : les abominations de la colonisation.

  Aussi, tant que la diplomatie française continue à ramer à contre-courant, tant que ses politiciens en quête de voix et de notoriété plaident pour le retour à la IIIe République ou à la « France Afrique », sa présence en terre africaine n’a pas d’avenir. Quant à sa crédibilité auprès du Maroc, à force de travers et de dérives, elle subira l’érosion la plus dommageable pour ses propres intérêts stratégiques majeurs au Maroc et en Afrique.

 

 

Dr MRAIZIKA M. Historien, chercheur en Sciences Sociales, écrivain

 

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