
L’Institut du monde arabe de Tourcoing (IMA) présente une sélection de broderies marocaines issues des riches collections du musée d’Angoulême. Cette tradition féminine tisse l’histoire d’un pays de métissage.
(La Voix du Nord) - Qu’il soit bouclé, natté ou matelassé, de soie ou de coton, il met toujours au service de l’esthétique sa précision : le point de broderie marocain se dévoile à l’IMA dans toute sa diversité. L’exposition tire le fil de son histoire dont les racines remontent au VIIe siècle, quand le pays embrasse la culture islamique.
Véritable pont entre l’Afrique, la Méditerranée et l’Europe, le Maroc se nourrit abondamment des échanges. L’élégance de ses arts décoratifs se traduit en polygones et arabesques qui ornent les maisons. Bientôt, ces décorations s’inscrivent sur des tissus légers, par des broderies fines. En voyageant, coussins, draps et vêtements brodés deviennent les messagers raffinés d’un savoir-faire ancestral domestique presque exclusivement féminin. Des écoles fleurissent dans les villes, chacune développant son propre style. L’exposition présente des réalisations de Rabat à Tétouan en passant par Salé et Fès évidemment. Et c’est à chaque fois époustouflant de finesse.
« Regarde ça, c’est plus de la broderie, c’est une danse ! » Un point en avant, deux points en arrière, cette amatrice ne s’y trompe pas : les allers-retours des aiguilles forment une danse, une transe même. Et si les motifs sont au cordeau, une intense douceur se dégage de ce travail. C’est le fruit de la patience et du don de soi, car il faut des centaines d’heures de travail pour fignoler ces tissus. Les brodeuses, ce sont des mères, des grands-mères. Des femmes attelées à une tâche ardue, témoins de leur temps, qui racontent à travers leur art tout un pan d’histoire, leur culture et leur territoire. Les touchantes broderies de l’Atlas se distinguent par leur simplicité. Les tenues juives, par leur combinaison avec d’autres tissus chatoyants. Mais ce savoir a été détricoté par les modes et l’industrie
Redécouverte
Le Protectorat français, via sa politique culturelle et la volonté de Prosper Ricard, a voulu favoriser l’artisanat traditionnel et plus particulièrement la broderie, tombée en désuétude. Dans les années 40, la relance passe par l’adaptation aux goûts modernes et occidentaux. Si elle reste dans l’ombre par sa modestie, la broderie fascine toujours aujourd’hui par sa technique.
Il est plus que temps de redécouvrir cet exceptionnel savoir-faire mais aussi celles qui le maintiennent en vie par amour du travail bien fait. Des mains d’or qui, dans l’intimité des foyers marocains, entre passé et présent, font perdurer la tradition.
Sarah Binet
« Tarz, broder au Maroc, hier et aujourd’hui »****. Jusqu’au 16 juillet à l’Institut du monde arabe, 9, rue Gabriel-Péri. Du mardi au dimanche de 13 h à 18 h. 3/2 €.