
Maglor- Une étude publiée le 9 avril par le Défenseur des droits met en cause une politique institutionnelle visant à évincer de l’espace public les jeunes issus de l’immigration. En région parisienne, ces derniers sont fréquemment considérés comme des "indésirables", une désignation qui se traduit par des contrôles policiers répétés et injustifiés.
Des consignes d’éviction mises en lumière
Le rapport s’appuie notamment sur des notes internes d’un commissariat parisien, analysées par Magda Boutros, chercheuse à Sciences Po et co-autrice de l’étude. Ces documents révèlent l’existence de consignes explicites : "évincer les indésirables". L’étude s’appuie également sur une enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) portant sur des faits de discriminations et de violences policières dans le 12e arrondissement de Paris entre 2013 et 2015. Selon le rapport, les policiers utilisaient systématiquement la catégorie "Perturbateurs - indésirables" pour justifier leurs interventions, bien que ces termes n’aient aucune existence légale dans le code de procédure pénale.
Les personnes visées sont principalement "des hommes jeunes, originaires de l’immigration postcoloniale, principalement subsaharienne et nord-africaine", explique Magda Boutros. Les contrôles policiers dont ils font l’objet n’aboutissent pourtant, dans 75 % des cas, à aucune constatation d’infraction. "Les policiers vont simplement écrire : ‘Nous sommes en présence d’une dizaine d’indésirables, rien à signaler’", ajoute la chercheuse.
Une "multi-verbalisation" abusive
En plus de ces contrôles répétés, le rapport met en évidence une pratique de "multi-verbalisation" qui touche particulièrement ces jeunes en Île-de-France. Une quarantaine de témoignages recueillis entre janvier 2019 et juin 2024 démontrent que des individus sont régulièrement sanctionnés pour des motifs mineurs, tels qu’un simple crachat sur le trottoir.
Aline Daillère, doctorante en sciences politiques et co-autrice du rapport, souligne que si certains jeunes reconnaissent avoir commis certaines infractions, c’est "la disproportion du nombre d’amendes" qui pose problème. Le cas d’Amadou, 19 ans, est emblématique : il a été verbalisé plus d’une centaine de fois entre 2018 et 2023, accumulant une dette de près de 32.000 euros en raison des majorations de pénalités non payées.
Des conséquences graves sur la confiance en l’État
Ces pratiques policières répétées alimentent un climat de défiance envers les institutions étatiques et renforcent l’exclusion sociale et économique des jeunes ciblés. Le rapport alerte sur le risque de "harcèlement policier" qui découle de ces contrôles systématiques et de ces amendes abusives.
Face à ces révélations, des voix s’élèvent pour demander une réforme en profondeur des pratiques policières et une meilleure supervision des contrôles d’identité en France. Ce rapport pourrait ainsi relancer le débat sur la lutte contre les discriminations systémiques et sur la nécessité d’une police plus respectueuse des droits fondamentaux.