
L’artiste marocain Nabil el-Makhloufi possède un talent particulier qui consiste à transmettre des émotions contradictoires dans ses œuvres. Ainsi, ses images de scènes de foule peuvent sembler tout à la fois harmonieuses et dissonantes. On ne sait pas vraiment ce qui se passe, ni si ce qui se passe est bon, mauvais, ou entre les deux.
Le quotidien marocain Le Matin avait bien résumé la situation en 2019. La démarche artistique de Nabil El Makhloufi se caractérise par une figuration qui imprime un univers très particulier à ses toiles où dominent réalisme et symbolisme. Une étrange atmosphère de temps suspendu se dégage de ses œuvres. Les personnages que l’artiste crée ne sont jamais inertes. Ils imposent toujours une présence à la fois fragile et menaçante. Le spectateur se retrouve souvent à imaginer l’avant et l’après de la scène figurée. La narration est en effet inhérente à l’œuvre de Nabil El Makhloufi mais garde toujours un côté mystérieux ; chaque personnage, chaque scène étant une fenêtre ouverte sur autre chose.
Les œuvres de Nabil El Makhloufi questionnent la place de l’individu dans la société. Les personnages semblent, en effet, bien souvent seuls, même lorsqu’ils sont au milieu d’une foule. Ils imposent toujours leur présence. Une présence calme, sereine qui ne cherche pas à crier qu’elle est là pour s’imposer. D’où le titre de cette exposition où le pluriel attribué au mot présence impose des acceptions qu’il est difficile de tenir dans la trame d’un discours parce qu’elles participent du mystère.
Si Nabil El Makhloufi ne révèle jamais précisément le lieu de ces scènes, il évoque subtilement le Maroc dans chacune de ses toiles, sans jamais tomber dans les clichés identitaires. Tout en étant enracinées dans la culture de son pays d’origine, les œuvres d’El Makhloufi se nourrissent aussi de la culture et de la terre où leur auteur vit : l’Allemagne. L’artiste est en effet diplômé de l’Académie des arts visuels de Leipzig (Allemagne), ville réputée pour sa célèbre école de la peinture figurative : la Neue Leipziger Schule. Les peintures de Nabil El Makhloufi s’inscrivent dans la lignée de la figuration qui distingue les peintres de Leipzig.
Un sentiment d'ambivalence
Le sentiment d’ambivalence est voulu, explique El-Makhloufi, il n’est pas artificiel. «Je suis confronté au même casse-tête que le spectateur», confie-t-il ainsi. «Les situations énigmatiques ou menaçantes qui attisent la curiosité et les sentiments inquiétants constituent une part importante de mon travail.»
«J’aime l’ouverture d’esprit des gens, en Allemagne. Vous pouvez parler directement et de tout», explique-t-il. «C’est une grande différence par rapport à la culture arabe, dans laquelle il y a beaucoup de tabous. J’éprouve un amour inconditionnel pour le Maroc, mais l’Allemagne m’a ouvert les yeux.»