
Il est visé par 34 chefs d'accusation. De retour dans sa résidence en Floride, Donald Trump a qualifié mardi d'"insulte à la nation" son inculpation officielle plus tôt devant un tribunal de New York, lors d'une journée historique dans une Amérique fracturée.
(AFP) - "Le seul crime que j'ai commis, c'est de défendre courageusement notre nation contre ceux qui cherchent à la détruire", a assuré l'ancien président américain devant ses partisans, qui arboraient des cravates "pas de crime" et des chapeaux "Trump 2024".
"Je n'aurais jamais imaginé cela possible en Amérique", a-t-il lancé depuis la grande salle de réception de sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago, la même pièce dans laquelle il avait annoncé sa troisième candidature à la Maison Blanche, le 15 novembre dernier.
Quelques heures plus tôt à Manhattan, l'ancien président républicain de 76 ans a plaidé non coupable de falsifications de documents comptables lors d'une audience pénale sans précédent, qui a réveillé les passions dans le pays.
Dans une salle d'audience bondée de Manhattan, le républicain est apparu la mine grave, visiblement tendu.
Reparti libre sans contrôle judiciaire, Donald Trump tente désormais tout pour éviter l'épreuve d'un procès en janvier 2024, seulement quelques mois avant l'élection présidentielle à laquelle il est candidat.
«Mentir»
Premier président de l'histoire des États-Unis à subir un tel sort, il est accusé d'avoir "orchestré" une série de paiements pour étouffer trois affaires embarrassantes avant l'élection de novembre 2016.
Un portier de la "Trump Tower", qui prétendait avoir des informations sur un enfant hors mariage, a reçu 30 000 dollars pour garder le silence ; une femme qui se présentait comme une ancienne maîtresse a touché 150 000 dollars pour se faire discrète ; et surtout l'actrice de films X Stormy Daniels, Stephanie Clifford de son vrai nom, et qui a collaboré avec la justice pendant cinq ans, devait aussi se taire.
Donald Trump n'a "cessé de mentir", a tonné le procureur de Manhattan Alvin Bragg en dénonçant, après cinq ans d'enquête de ses services, la "conduite délictuelle grave" de l'homme d'affaires new-yorkais.
Dénonçant une inculpation "triste" et "toute faite", l'un des avocats de l'ancien chef d'État, Todd Blanche, a promis de se battre.
«Ingérence électorale»
"C'est une ingérence électorale massive", a dénoncé Donald Trump devant ses partisans en Floride mardi soir, critiquant vivement le procureur new-yorkais qui est un élu démocrate.
Le milliardaire s'est longuement épanché sur chacune des autres enquêtes dont il fait l'objet, de ses pressions exercées sur des responsables électoraux en Géorgie à la gestion de ses archives de la Maison Blanche, fustigeant à chaque fois des investigations "frauduleuses".
Lors de son allocution décousue d'une vingtaine de minutes, l’ancien locataire de la Maison Blanche a aussi comme à son habitude évoqué ses accusations de "fraudes" à l'élection présidentielle de 2020, rejouant une partition bien connue, à laquelle adhèrent encore des millions de ses partisans.
Un pays plongé dans la violence et la criminalité, un risque de "Troisième Guerre mondiale", un dollar qui "s'effondre"... Donald Trump n'a pas eu de mots assez durs pour dénoncer le bilan de son successeur, le démocrate Joe Biden. Son allocution mardi soir a d'ailleurs donné davantage l'impression d'un meeting de campagne, que d'un discours de défense.
Joe Biden est lui resté très discret face à l'inculpation de son rival républicain, cette comparution n'étant pas "une priorité" selon la porte-parole de la Maison Blanche Karine Jean-Pierre.
Le président américain, qui n'a pas officiellement lancé sa campagne, sait que tout commentaire risque de nourrir l'argumentaire d'ingérence du milliardaire républicain.
Et ce n'est qu'un début ...
D'autres coups de chaud judiciaires attendent Donald Trump.
L'assaut du Capitole
Une commission parlementaire, dissoute par la nouvelle majorité républicaine, a enquêté sur le rôle du républicain dans l'attaque de ses partisans contre le siège du Congrès le 6 janvier 2021, au moment où les élus certifiaient la victoire de son rival Joe Biden à la présidentielle de 2020.
Lors d'auditions très médiatisées, ce panel à majorité démocrate a dit que l'ancien président avait chauffé ses supporteurs à blanc avant le coup de force et "failli à son devoir de commandant en chef" pendant l'assaut.
Dans son rapport final, la commission a estimé que Donald Trump ne devrait jamais pouvoir occuper de nouvelles fonctions publiques après avoir incité ses partisans à l'insurrection.
Ses membres ont aussi recommandé que des poursuites pénales soient lancées contre lui par la justice fédérale, notamment pour appel à l'insurrection.
C'est le dossier susceptible d'aboutir sur les charges les plus sérieuses.
Un procureur spécial, Jack Smith, se penche également sur le rôle de l'ancien président dans les tentatives de renverser les résultats de la présidentielle de 2020. Au terme de son enquête, il pourrait recommander ou non de l'inculper.
Mais le dernier mot reviendra au ministre de la Justice Merrick Garland.
L'élection de 2020 en Géorgie
Une procureure de l'État de Géorgie enquête depuis 2021 sur "les tentatives d'influencer les opérations électorales" de cet État du Sud, remporté d'une courte tête par Joe Biden en 2020.
Dans un appel téléphonique dont l'enregistrement a été rendu public, Donald Trump avait demandé à un haut responsable local, Brad Raffensperger, de "trouver" près de 12 000 bulletins de vote à son nom.
Fani Willis, procureure du comté de Fulton qui comprend Atlanta, a chargé un grand jury de déterminer s'il existait assez d'éléments pour inculper le magnat de l'immobilier. Elle est parvenue à recueillir des témoignages de ses proches, notamment de son ex-avocat personnel Rudy Giuliani.
Ce grand jury a recommandé des inculpations contre plusieurs personnes sans révéler si l'ancien président en faisait partie.
Les archives de la Maison Blanche
En quittant la Maison Blanche, Donald Trump a emporté avec lui des boîtes entières de documents. Or une loi de 1978 oblige tout président américain à transmettre l'ensemble de ses e-mails, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales.
En janvier 2022, il a rendu 15 cartons. Après examen, la police fédérale a estimé qu'il en conservait probablement d'autres dans sa luxueuse résidence Mar-a-Lago.
Des agents du FBI y ont ensuite mené le 8 août une perquisition spectaculaire sur la base d'un mandat pour "rétention de documents classifiés" et "entrave à une enquête fédérale", et ont saisi une trentaine d'autres boîtes.
Une intense bataille judiciaire s'est alors ouverte pour déterminer la nature des documents saisis (classifiés ? personnels ? déclassifiés ?), ce qui a ralenti la procédure mais, là encore, une inculpation fédérale reste possible.
Le procureur spécial Jack Smith enquête également sur ce dossier.
Ses affaires financières à New York
En janvier, la Trump Organization a été condamnée à New York à une amende maximale de 1,6 million de dollars pour fraudes financières et fiscales, une première au pénal pour le groupe, qui attend un procès encore plus vaste au civil à l'automne.
À la tête de la justice de l'État de New York, Letitia James, une élue démocrate, a en effet déposé plainte contre Donald Trump, ses enfants et la Trump Organization.
Elle les accuse d'avoir "délibérément" manipulé les évaluations des actifs du groupe – qui regroupe clubs de golf, hôtels de luxe et autres propriétés – pour obtenir des prêts plus avantageux auprès des banques ou réduire ses impôts.
Elle réclame 250 millions de dollars de dommages-intérêts au nom de l'État, ainsi que des interdictions de diriger des sociétés pour l'ex-président et ses proches.