
Quand Emmanuel Macron était rentré de Chine plusieurs commentateurs français se sont moqués de lui lorsqu'il annonçait que les deux présidents (Ukraine et Chine) allaient bientôt se parler et évoquer la paix. Et pourtant il avait raison, n'en déplaise à ses détracteurs.
(AFP) - Le président chinois Xi Jinping a assuré mercredi à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky que la Chine avait "toujours été du côté de la paix" et appelé à "la négociation", à l'occasion de leur premier entretien téléphonique depuis le début de l'offensive russe en Ukraine.
"Sur le sujet de la crise ukrainienne, la Chine a toujours été du côté de la paix et sa position fondamentale est de promouvoir un dialogue de paix", a déclaré M. Xi, selon la chaîne de télévision d'Etat chinoise CCTV.
De son côté, M. Zelensky a souligné avoir eu un "long et significatif" entretien avec M. Xi, dans un tweet confirmé par la présidence ukrainienne à l'AFP.
Il a aussi dit espérer "une impulsion puissante au développement des relations bilatérales" entre Kiev et Pékin, annonçant dans la foulée la nomination de Pavlo Riabikine, un ex-ministre des Industries stratégiques âgé de 57 ans, aux fonctions d'ambassadeur en Chine, un poste vacant depuis février 2021.
La conversation entre les deux chefs d'Etat a duré "presque une heure", a précisé à l'AFP le porte-parole de M. Zelensky, Serguiï Nykyforov.
Elle a eu lieu "à l'initiative de la partie ukrainienne", a assuré, au cours d'une conférence de presse à Pékin, Yu Jun, un représentant du ministère chinois des Affaires étrangères.
Il s'agit du premier échange connu entre les deux hommes depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022. Leur précédente conversation téléphonique remontait à juillet 2021.
Délégation chinoise
La Chine a annoncé mercredi qu'elle dépêcherait une délégation en Ukraine afin de rechercher un "règlement politique" au conflit.
"La partie chinoise enverra un représentant spécial du gouvernement chinois, chargé de l'Eurasie, en Ukraine et dans d'autres pays pour des échanges en profondeur avec toutes les parties vers un règlement politique de la crise ukrainienne", a expliqué le ministère des Affaires étrangères.
Selon le compte-rendu fait par CCTV de son entretien avec M. Zelensky, M. Xi a rappelé son opposition au recours à l'arme nucléaire : "Lorsqu'elles traitent de la question nucléaire, toutes les parties concernées doivent rester calmes et modérées, se concentrer véritablement sur leur avenir et leur destin ainsi que sur celui de l'humanité tout entière et gérer et contrôler ensemble la crise".
L'annonce de cette conversation a immédiatement suscité de vives réactions dans la communauté internationale, la Russie accusant l'Ukraine de "saper les initiatives de paix" en refusant le dialogue avec elle.
Moscou a aussi dit "prendre acte" de la volonté de la Chine de "s'efforcer de mettre en place un processus de négociation" entre la Russie et l'Ukraine mais a reproché à Kiev de "rejeter toute initiative sensée visant à un règlement politique et diplomatique de la crise".
De son côté, la France a salué le dialogue entre MM. Xi et Zelensky, rappelant qu'elle "encourage tout dialogue" susceptible de "contribuer à une résolution du conflit" en Ukraine "conformément aux intérêts fondamentaux" de Kiev et "au droit international", selon des déclarations de la présidence.
"C'est le message porté par le président de la République lors de sa visite d'Etat en Chine", a relevé l'entourage du chef de l'Etat Emmanuel Macron. Pendant ce voyage début avril, Paris avait affirmé que Xi Jinping s'était dit prêt à appeler son homologue ukrainien le moment venu, sans donner de date.
Front commun Pékin-Moscou
Le président ukrainien souhaitait depuis des mois s'entretenir avec M. Xi dans l'espoir de rendre plus favorable à son pays la position chinoise au regard de l'invasion russe mais, selon des experts, Pékin ne répondait pas aux propositions ukrainiennes.
La Chine avait diffusé en février un document en 12 points présentant sa position sur le conflit en Ukraine et parfois perçu comme un plan de paix.
Moscou et Kiev y étaient exhortés à engager des pourparlers tandis qu'y figuraient aussi une mise en garde face à tout recours à l'arme nucléaire et un appel à respecter l'intégrité territoriale de tous les pays -sous-entendu également celle de l'Ukraine dont une partie du territoire est sous contrôle russe.
Pékin n'a pas reconnu en septembre l'intégration de quatre régions ukrainiennes à la Fédération de Russie et ne l'avait pas fait non plus en 2014 au moment de l'annexion de la Crimée.
La Chine, qui n'a pas condamné publiquement la guerre en Ukraine, a fortement accru ces derniers mois sa coopération politique et économique avec son voisin russe.
Tumultueuses à l'époque de la Guerre froide, les relations Pékin-Moscou se sont nettement renforcées ces dernières décennies pour faire front commun face à l'influence des Etats-Unis.
Xi Jinping s'est ainsi rendu il y a quelques semaines à Moscou pour y réaffirmer son partenariat avec le président russe Vladimir Poutine.