
"Méchants avec les méchants et gentils avec les gentils": le gouvernement français a dévoilé mercredi les grandes lignes de son projet de loi sur l'immigration, dont il a vanté l'"équilibre" entre durcissement sur les expulsions et main tendue pour les travailleurs immigrés.
(AFP) - "La France a toujours accueilli des immigrés et des réfugiés et nous devons continuer à le faire. Simplement, la part des étrangers dans notre population va atteindre les 10% dans les années qui viennent", a expliqué le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin, dans un entretien au quotidien Le Monde.
"Donc l’idée est de savoir combien de personnes nous voulons sur notre sol, ce qu’on exige d’elles pour s’intégrer et comment on maîtrise l’immigration familiale", qui "représente 50% des flux alors que l’immigration de travail concerne moins de 10%", a-t-il précisé.
La future loi, prévue au premier semestre 2023, doit d'abord introduire une série de mesures pour rendre les "obligations de quitter le territoire français" (OQTF) plus efficaces.
Ce sujet occupe le débat public depuis le meurtre sauvage mi-octobre à Paris d'une adolescente de 12 ans, Lola, par une Algérienne en situation irrégulière, sous le coup d'une OQTF.
Le gouvernement est critiqué, notamment à l'extrême droite, pour le faible taux d'exécution des OQTF: la France en délivre environ 120 000 par an mais en exécute moins de 10%.
«Vie impossible»
M. Darmanin a annoncé que toutes les personnes sous le coup d'une OQTF seraient désormais inscrites "au fichier des personnes recherchées", pour pouvoir "pouvoir constater que la personne repart".
Il a souligné que "le préfet veillera à leur rendre la vie impossible, par exemple en s’assurant qu’elles ne bénéficient plus de prestations sociales ni de logement social".
Le ministre a par ailleurs annoncé vouloir "fortement simplifier" les recours possibles contre les OQTF, en les faisant passer "de douze à quatre" catégories.
Si "l’immense majorité des étrangers vivent du fruit de leur travail", le ministre a estimé "absurde de ne pas voir qu’une petite partie des étrangers est responsable d’une grande partie des actes de délinquance".
"Il y a 7% d’étrangers dans la population et ils représentent 19% des actes de délinquance", a-t-il affirmé.
La semaine passée, le président français Emmanuel Macron avait déjà souligné sa volonté de "durcir les règles", en affirmant qu'à Paris "la moitié (...) des faits de délinquance (...) viennent de personnes qui sont des étrangers, soit en situation irrégulière, soit en attente de titres".
"Et cela est vrai dans les dix plus grandes métropoles", a repris M. Darmanin.
«Métier en tension»
Le ministre entend donc mettre fin aux "réserves d'ordre public" qui "empêchent d'éloigner des personnes arrivées avant 13 ans" en France. Le gouvernement veut laisser "au juge le soin de trancher s'ils doivent ou non rester".
Parallèlement, le rejet d'une demande d'asile en première instance "vaudra OQTF avec possibilité de recours sous quinze jours", a indiqué Gérald Darmanin.
"Si je devais résumer, je dirais qu'on doit désormais être méchants avec les méchants et gentils avec les gentils", a-t-il poursuivi.
Le gouvernement va ainsi "proposer le renouvellement automatique des titres pluriannuels de ceux qui ne posent aucun problème", estimant à plusieurs centaines de milliers le nombre de personnes concernées.
Dans le même entretien, le ministre du Travail Olivier Dussopt a souligné que le gouvernement entendait mettre l'accent sur l'insertion professionnelle des étrangers.
"Il faut que le travail redevienne un facteur d'intégration et d'émancipation", a-t-il déclaré, en notant que le taux de chômage des travailleurs immigrés s'élevait à 13%, contre un taux national de 7,5%.
Le gouvernement veut mettre fin, sous conditions, au délai de carence qui empêche les demandeurs d'asile de travailler pendant leurs six premiers mois en France.
Le ministre du Travail a également plaidé pour la création d'un titre de séjour "métier en tension", pour recruter dans les secteurs en pénurie de main-d'oeuvre.
Le gouvernement ouvre également la porte à une réforme réclamée de longue date par les syndicats: permettre à un travailleur en situation irrégulière de demander lui-même sa régularisation, "sans passer par l'employeur", qui peut "trouver un intérêt" à le maintenir dans la clandestinité, selon Olivier Dussopt.