Maglor - À partir de janvier 2026, un test civique obligatoire sera instauré en France pour l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel, du statut de résident ou de la naturalisation. Présenté comme un outil de renforcement de l’intégration républicaine, ce nouveau dispositif suscite déjà de vives critiques, notamment de la part des associations d’aide aux migrants, qui redoutent un examen jugé trop exigeant et aux conséquences lourdes.
Un test issu de la loi immigration de 2024
Le cadre de ce test civique a été fixé par un arrêté publié en octobre 2025, sous l’autorité de l’ancien ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Il s’applique aux ressortissants non européens sollicitant pour la première fois un titre de séjour de longue durée ou la nationalité française. Cette mesure découle directement de la loi immigration de janvier 2024 et s’inscrit dans le cadre du Contrat d’intégration républicaine (CIR).
L’épreuve se déroulera de manière numérique, dans des centres agréés. D’une durée de 45 minutes, elle comprendra 40 questions à choix multiples, réparties en cinq thématiques :
- les valeurs de la République,
- les droits et devoirs,
- le système politique,
- l’histoire et la culture,
- la vie en société.
Pour être validé, le candidat devra obtenir au moins 80 % de bonnes réponses. Le nombre de tentatives n’est pas limité, mais le coût du test, fixé librement par chaque centre, restera à la charge du candidat.
Un contenu jugé complexe et très académique
Le niveau de difficulté du test varie selon le titre demandé et le niveau de maîtrise du français exigé. Une source proche du dossier a confié à l’AFP que le contenu initial « a été corsé par le cabinet de l’ex-ministre avant son départ ». Afin d’aider les candidats, la Direction générale des étrangers en France (DGEF) met à disposition des fiches de révision.
Ces supports pédagogiques exigent toutefois des connaissances précises, comme le fait de savoir que la Constitution du 4 octobre 1958 comprend un Préambule et 108 articles, que la France compte 81 eurodéputés depuis les élections européennes de 2024, ou encore que le 14 juillet commémore la prise de la Bastille.
Les associations tirent la sonnette d’alarme
Sur le terrain, les inquiétudes sont nombreuses. Hélène Ceccato, responsable de l’apprentissage du français au Secours catholique, estime que « pour comprendre ces questions politiques, il faudra un bon niveau de français écrit et la maîtrise de concepts complexes ». Elle alerte sur une exigence qu’elle juge disproportionnée :
« On demande aux étrangers d’avoir un niveau supérieur à celui de nombreux Français. Une part importante de la population est en situation d’illettrisme et peu ont suivi des études universitaires », souligne-t-elle.
Elle rappelle également que le niveau B2 de français, requis pour la naturalisation, correspond à celui exigé pour entrer à l’université, et déplore un test « déconnecté de la réalité sociale », dans lequel l’engagement associatif ou citoyen des candidats n’est pas pris en compte.
Le risque d’une bascule vers l’irrégularité
Au-delà de la difficulté de l’examen, les associations redoutent surtout ses conséquences administratives. En effet, la réglementation actuelle limite à trois renouvellements maximum l’octroi d’une carte de séjour temporaire.
En cas d’échec répété au test civique, certains étrangers pourraient ainsi se voir refuser le renouvellement de leur titre, malgré des années de présence légale en France, et basculer dans l’irrégularité. Pour les acteurs associatifs, ce test représente une nouvelle barrière dans le parcours d’accès au séjour durable, susceptible de fragiliser davantage des personnes déjà insérées socialement et professionnellement.
Alors que le gouvernement présente cette réforme comme un levier d’intégration et d’adhésion aux valeurs républicaines, ses détracteurs y voient avant tout un outil de sélection renforcée, aux effets potentiellement exclusifs, dont l’impact réel sera scruté dès son entrée en vigueur en 2026.