
Une rédactrice en chef de la radio nationale algérienne a annoncé samedi qu'elle démissionnait de ses fonctions pour protester contre l'absence de couverture par sa chaîne des manifestations de la veille contre un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika.
(AFP) - Les antennes et chaînes de la radio et télévision publiques algériennes ont totalement passé sous silence les manifestations qui ont rassemblé vendredi plusieurs milliers de personnes à travers le pays, notamment à Alger, où se trouvent les sièges de ces médias. Dans la capitale, les manifestations, strictement interdites, sont extrêmement rares.
Rédactrice en chef de l'antenne francophone de la radio nationale, la Chaîne 3, Meriem Abdou a confirmé samedi à l'AFP qu'elle démissionnait de ses fonctions, comme elle l'avait annoncé sur son compte Facebook. "Il n'y a pas eu de couverture" des manifestations et "tout le monde a pu s'en rendre compte", a assuré Mme Abdou par téléphone. "En tant que journaliste, je n'accepte pas cela et je ne souhaite plus faire partie de l'encadrement de cette chaîne", a-t-elle confié. Elle a ajouté qu'elle continuerait d'animer son émission "L'Histoire en marche" traitant de l'actualité internationale sur les ondes de la Chaîne 3.
Outre les médias audiovisuels publics, les chaînes privées d'information, habituellement friandes d'événements en direct et souvent propriétés d'hommes d'affaires proches du pouvoir, ont également largement passé sous silence les manifestations de vendredi. L'agence de presse officielle APS a de son côté consacré aux manifestations une seule dépêche, diffusée en début de soirée, indiquant que les manifestants avaient "demandé au président de renoncer à un nouveau mandat". Le quotidien gouvernemental El Moudjahid a traité l'information samedi en reprenant cette dépêche.
La presse écrite privée et les sites d'informations ont, eux, largement couvert ces événements.
Vendredi, plusieurs milliers de personnes ont répondu à des appels lancés sur les réseaux sociaux et sont sortis dans les rues, dans plusieurs villes du pays, pour protester contre le cinquième mandat que brigue le président Abdelaziz Bouteflika à la présidentielle du 18 avril.
Au pouvoir depuis 1999 et affaibli par les séquelles d'un AVC dont il a été victime en 2013 et qui l'a cloué dans un fauteuil roulant, M. Bouteflika, 81 ans, a été systématiquement réélu au premier tour avec plus de 80% des voix depuis 2004.
Un vent de colère et de réprobation commence à gagner les rédactions de certains médias publics. De nombreux journalistes ont protesté aujourd’hui énergiquement contre la décision de leurs responsables de faire l’impasse sur les importantes marches de protestation contre le cinquième mandat du président sortant Abdelaziz Bouteflika qui se sont déroulées, hier, un peu partout dans le pays.
Dans un message posté ce matin sur son mur Facebook, Meriem Abdou, journaliste réputée de la Radio algérienne Chaîne 3, primée plusieurs fois par le passé pour la qualité de son travail, a ainsi annoncé sa décision de démissionner de son poste de rédactrice en chef pour dénoncer le black-out opéré par son employeur sur les manifestations d’hier. «Moi, Meriem Abdou, j’ai décidé de déposer dès demain ma démission de mon poste de rédactrice en chef membre de l’encadrement de la Chaîne 3», annonce notre consœur, qui ajoute : «Je refuse catégoriquement de cautionner un comportement qui foule aux pieds les règles les plus élémentaires de notre noble métier.»
Une autre journaliste de Canal Algérie, Samia S., reprend et partage carrément sur son mur Facebook le post d’un de ses confrères d’un média privé invitant «le pouvoir à arrêter son cinéma» et à «éviter un choix coûteux pour le pays».
L’indignation semble également la même dans les journaux publics et à l’agence Algérie presse service (APS). Pour ce dernier cas, de nombreux confrères disent se plaindre de n’être «envoyés que pour couvrir les actions des partis de l’alliance présidentielle». Certains expliquent d’ailleurs les pertes de clients par des «choix éditoriaux contestables», «improductifs» et «dépassés». Au-delà, de nombreux observateurs jugent «décevante» la production de l’APS ces dernières années, surtout au regard des moyens matériels et humains mis à sa disposition.