
Un projet de réforme du code pénal adopté ce mercredi par les députés algériens prévoit des peines d'emprisonnement à l'encontre des personnes diffusant des fausses informations.
(AFP) - Les députés algériens ont adopté mercredi un projet de réforme du code pénal «criminalisant» la diffusion de fausses informations qui portent «atteinte à l'ordre public et à la sûreté de l'Etat», un texte contesté par les militants des droits humains.
Présenté dans le cadre d'une réforme du code de pénal, le projet de loi a été débattu et voté en une matinée dans un hémicycle presque vide en raison de l'épidémie de Covid-19, selon les images diffusées par la télévision.
Ces débats sur le nouveau code pénal ont lieu au moment où le «Hirak» - le mouvement populaire antirégime qui a ébranlé le pouvoir algérien pendant plus d'un an - est suspendu en raison de la pandémie, dans un contexte de répression contre des opposants et des médias.
Cette réforme du code pénal doit passer jeudi devant la chambre haute du Parlement, le Conseil de la nation - une simple formalité -, avant son adoption définitive.
Le texte prévoit de «criminaliser (...) notamment la diffusion de 'fake news'» visant à «porter atteinte à l'ordre et à la sécurité publics», ainsi que «l'atteinte à la sûreté de l'Etat et à l'unité nationale».
Prison
Quiconque diffusera ou propagera de fausses informations portant atteinte à l'ordre et à la sécurité publics risque entre un et trois ans de prison, voire le double en cas de récidive.
Un autre article rend passible de six mois à deux ans de prison toute personne coupable de faits exposant la vie privée d'autrui ou mettant «son intégrité physique en danger». La peine peut aller jusqu'à cinq ans de prison si les faits ont lieu durant des «périodes de confinement sanitaire ou d'une catastrophe naturelle, biologique ou technologique ou de toute autre catastrophe».
Ces dernières semaines, de nombreuses fausses informations, concernant en particulier la propagation de la maladie Covid-19, ont circulé sur les réseaux sociaux. Plusieurs personnes accusées de les avoir diffusées ont été interpellées.
Presse muselée
L'ONG Reporters sans frontières (RSF) a dit craindre que le nouveau code pénal ne permette «une instrumentalisation pour museler la presse».
Un autre projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine a aussi été voté mercredi, après des échanges parlementaires restreints.
« Une personne qui s’activerait à donner de fausses informations, à diffamer une personne de manière directe ou à impacter négativement sur notre vie sociétale, tout acte doit engager une responsabilité », soutient le Procureur général près la Cour d’Alger. « On doit être responsables de nos faits mais ça n’a rien à voir la liberté. Au contraire la personne qui ramène une information vraie, documentée et matérialisée, comment peut-on la réprimer ? Démocratiquement c’est impossible », ajoute-t-il.
« Face à notre clavier, on est responsable. Quand on diffuse une information il faut savoir qu’il y a tout le temps une responsabilité derrière », rappelle M. Sid Ahmed. Selon lui, l’amendement du code pénal adopté en conseil des ministres dimanche constitue une démarche qui « s’inscrit dans le cadre de l’actualisation régulière de notre arsenal juridique », annonçant que le projet de loi pourrait être soumis incessamment aux deux chambres du Parlement.
Ce projet de loi vient combler, dans une de ses parties, « un vide juridique maintes fois demandé par les différents agents d’application de la loi, et les magistrats en particulier », explique Mourad Sid Ahmed.
Le texte criminalise les actes touchant à la sécurité et à la stabilité du pays, notamment la diffusion de fausses informations et la diffamation. « Des faits à caractère pénal qui ont tendance à accroître ces dernières années », fait observer l’invité de la radio. « Nous sommes en train de vivre des faits qui, manifestement, impactent négativement notre société. Nous devons avoir un texte qui permet de réprimer ces faits (…) bien sûr les magistrats ont le pouvoir discrétionnaire d’apprécier les faits dans leur nature », souligne le Procureur général près la Cour d’Alger.
« Nous constatons sur la Toile des faits infamants qui touchent à l’honneur des personnes et des fake news qui portent atteinte réellement à la stabilité de nos institutions et de notre société. Je pense que ce projet de texte vient répondre à une certaine réalité. Nous devons avoir ces textes qui donnent ces réponses et qui puissent permettre de donner la réponse pénale adéquate, juridique, et de la manière la plus démocratique », relève le magistrat.
Le texte traite aussi d’aspects lié à la triche aux examens comme le baccalauréat ou la divulgation des sujets avant et pendant l’examen, un phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années.
M. Sid Ahmed reconnait que « nous avons toujours connu un vide juridique » concernant les deux aspects précités. « Le magistrat n’avait pas de texte spécifique. Ce texte de loi permet de réprimer toute personne qui se permet de divulguer (les sujets) avant et pendant l’examen et qui arrivent à vicier une procédure d’un examen ou de concours », révèle-t-il.
« Nous devons donner à ce texte une lecture strictement juridique. Ce qui est vrai et qui est de notoriété publique, c’est que nous avons des faits qui sont en train de se dérouler sous notre nez qui portent gravement atteinte à la sécurité et à l’ordre publics. Le texte de loi permet de donner l’aspect juridique et légal à toute réponse pour un fait à caractère infractionnel », fait observer M. Si Ahmed.