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Verrouillée par la police, Alger rêve toujours de liberté

L’heure n’est pas à l’accalmie en Algérie lors du deuxième anniversaire du mouvement populaire qui a provoqué le départ de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.

(AFP) - Alger est quadrillée par la police lundi à la suite d’appels à manifester lancés sur la toile pour le deuxième anniversaire du soulèvement populaire du Hirak, qui tente de se remobiliser après un an d’interruption dû à la crise sanitaire.

Des barrages de police ont été mis en place sur plusieurs axes routiers menant à la capitale, ont constaté des journalistes de l’AFP. Et un impressionnant dispositif policier a été déployé en ville, où l’on pouvait entendre des hélicoptères survoler Alger tandis qu’une pluie fine lavait les rues du vent de sable de la veille.

Très visibles, les forces de l’ordre procédaient à des contrôles d’identité près de la Grande Poste, lieu de rassemblement emblématique du Hirak, en particulier des jeunes. Malgré ce dispositif, des protestataires ont commencé à défiler à la mi-journée, selon les mêmes sources.

En province, des marches ont elles clairement démarré, notamment à Annaba, Oran, Béjaïa, Sétif, Bouira, Mostaganem et Constantine, selon les réseaux sociaux et des témoignages recueillis par l’AFP.

«La marche a commencé»

«La marche a commencé. Il y a environ 200 personnes pour le moment. Il y a un très grand dispositif policier. On n’a jamais eu autant de policiers lors d’une marche», a témoigné un journaliste auprès de l’AFP. Pour éviter les embouteillages, certains Algérois sont sortis à l’aube pour rejoindre leur travail.

«Je suis venus de Hamadi (à l’est d’Alger). J’ai dû démarrer à cinq heures du matin. Deux heures et demie de bouchon pour arriver dans le centre à cause des barrages. Ils vérifient chaque voiture», a expliqué Hamid, un fonctionnaire de 54 ans. Quant à Fatma Zohra, une banlieusarde de 50 ans, elle a passé la nuit chez sa soeur à Alger pour «éviter de (se) retrouver coincée pendant des heures». Son autre soeur a «pris un jour de congé».

Déclenché le 22 février 2019, le Hirak, mouvement de protestation populaire inédit en Algérie, avait poussé Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis deux décennies, à la démission deux mois plus tard.

Ce mouvement pacifique a dû suspendre en mars 2020 ses manifestations hebdomadaires en raison de l’épidémie de coronavirus.

Contre le «système»

Mais il continue de réclamer le démantèlement du «système» en place depuis l’indépendance en 1962, synonyme à ses yeux d’autoritarisme et de corruption.

Si le régime, le président Abdelmadjid Tebboune en tête, rend régulièrement hommage au «Hirak authentique béni», il considère que ses revendications sont désormais satisfaites, qualifiant aujourd’hui ses partisans de «magma contre-révolutionnaire».

Dans de récentes interviews, le ministre de la Communication Ammar Belhimer a affirmé que l’Etat algérien avait «satisfait les revendications légitimes (du Hirak) dans des délais record» et mis en garde contre les appels à sortir dans la rue.

Cet anniversaire survient au lendemain d’une série de décisions du président Tebboune, qui s’efforce de reprendre l’initiative, après une longue hospitalisation en Allemagne, face à une triple crise --politique, économique et sanitaire.

Grâce présidentielle

Jeudi, Abdelmadjid Tebboune a décrété une grâce présidentielle en faveur d’une soixantaine de détenus d’opinion, un geste d’apaisement adressé aux hirakistes.

Depuis, près de 40 prisonniers ont été libérés, dont l’opposant Rachid Nekkaz et le journaliste Khaled Drareni, devenu un symbole du combat pour la liberté de la presse.

Comme promis, Abdelmadjid Tebboune a procédé dimanche à un remaniement de son gouvernement, très attendu mais sans changement majeur.

Le Premier ministre Abdelaziz Djerad, pourtant critiqué, reste à son poste ainsi que les détenteurs des ministères régaliens. Ainsi le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, symbole de la lutte anticorruption mais aussi de la répression judiciaire contre l’opposition et le Hirak.

«Complications» post-Covid

Avant de s’envoler pour Berlin début janvier, pour s’y faire soigner de «complications» post-Covid, Abdelmadjid Tebboune avait exprimé publiquement son insatisfaction de l’action du gouvernement Djerad.

Abdelmadjid Tebboune a également dissous dimanche l’Assemblée nationale, chambre basse du Parlement, ouvrant comme prévu la voie à des législatives anticipées dans les six mois.

Aucune date n’a encore été fixée pour le scrutin, mais juin est évoqué.

«Le remaniement ne me concerne pas, ce sont les mêmes pions. C’est la même chose pour le Parlement, les nouveaux (députés) travailleront comme le régime actuel pour leurs propres intérêts. (...) Pas pour le peuple», a déclaré à l’AFP Zaki Hannache, militant de 33 ans.

 

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